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08/09/2011

Encadrer et évaluer pour mieux gérer la dette locale

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 Jean-Luc Boeuf
Auteur
Professeur à Sciences Po au sein du Master Stratégies territoriales et urbaines

Au moment où la question de l’endettement des Etats occupe le devant de la scène, il est utile de rappeler que la dette des collectivités locales est corrélée à la situation d’endettement massif au niveau national. L’institut Montaigne a publié au printemps 2011 Trois propositions pour une meilleure gestion de la dette locale. Quelques semaines plus tard, la Cour des comptes publie son rapport relatif à la "gestion de la dette publique locale".

Le (fabuleux) destin du rapport de la Cour des comptes
Comme le souligne la Cour, "l’endettement local est à nouveau entré dans une dynamique de forte augmentation. L’encours de la dette figurant au bilan des collectivités territoriales s’est accru depuis 2004 de 41 %" [1]. Quelle que soit la manière d’appréhender le sujet de l’endettement public local, se pose à un moment ou à un autre la question de la maîtrise des flux de financements, et donc, petit à petit, du stock de cet endettement public local. En s’appuyant sur les constats faits à l’occasion d’une enquête lancée en 2009 et qui a concerné plus de 150 collectivités et établissements publics locaux, la Cour des comptes, au-delà des constats chiffrés sur l’évolution de l’endettement public local et du caractère rendu plus complexe des modalités d’endettement, met en avant la nécessaire maîtrise des emprunts structurés et préconise notamment :

  • de mettre en place un suivi statistique global de la structure de dette ;
  • de réglementer plus strictement les conditions d’emprunt, par l’introduction en comptabilité une obligation de provisions pour risques en matière de dette ;
  • d’associer davantage les assemblées territoriales à la prise de décision relative à la dette ;
  • de mutualiser une aide aux petites collectivités pour la gestion de leurs emprunts structurés et d’arbitrer la faisabilité de la création d’une agence de financement des collectivités territoriales.

Ces conclusions de la Cour des comptes rejoignent largement l’Institut Montaigne qui proposait de définir un périmètre normé de la dette du secteur public local ; de mettre en place une réglementation plus stricte des conditions d’emprunt et de créer un service de la dette locale au sein de l’Agence France Trésor ; laquelle pourrait être chargée de gérer avec professionnalisme une partie de la dette des collectivités territoriales.

L’été (financier) meurtrier
Depuis plusieurs mois, certains élus locaux ont fait part de leurs inquiétudes quant à leur capacité à financer leurs investissements à partir de 2012 : ils craignent notamment une possible diminution des prêts bancaires aux collectivités locales. La crise financière de l’été 2011 a renforcé ces inquiétudes, accentuées désormais par les évolutions prévisibles du comportement des banques, liées à l’entrée en application progressive des normes "Bâle III", de 2013 à 2019. En effet, ces normes vont contraindre les banques à augmenter de façon significative leurs fonds propres. Le risque est donc qu’elles se détournent du marché des collectivités locales, préférant celui – plus liquide – des particuliers et des entreprises.

Peur sur la ville (et le monde local)
En partant du constat du caractère non tenable sur le long terme de l’endettement public, pris dans son ensemble, les voies à explorer sont difficiles ; les élus brandissant le principe de libre administration dès qu’il est question de réguler le système. S’il ne s’agit pas de remettre en cause ce principe de libre administration des collectivités territoriales, il convient désormais de l’examiner au regard des évolutions actuelles. En tout premier lieu, il s’agit de traiter la façon dont la dette des collectivités locales est corrélée à l’endettement massif au niveau national. Si les constats sont partagés par tous, notamment ceux de l’apport fondamental des collectivités locales à l’investissement de notre pays, il revient de proposer des solutions tenables.

Puis la question de l’évaluation des investissements paraît également être une voie particulièrement féconde à explorer. Et même si l’on mesure la difficulté qu’il y a en France à "acclimater" l’idée même d’évaluation des programmes, cette voie doit être tentée, comme certains Etats anglo-saxons l’ont fait, puis généralisé. Cette évaluation doit se construire non pas tant comme une "batterie de ratios" de réalisation ex post – que la Cour des comptes critique d’ailleurs – mais bien comme un processus d’ensemble, associant d’ailleurs les contribuables et les citoyens en amont. La mise en place de cette véritable évaluation en amont passerait par un examen d’ensemble des projets d’investissements que souhaite porter une collectivité ; et notamment de leur aspect financier et de son caractère "soutenable".

Finalement, il s’agit de regarder, à un instant donné, quels sont les investissements que peut porter, sur la durée, le secteur public pris dans son ensemble, au regard des recettes dont il dispose. Il ne s’agit donc pas d’introduire une rentabilité des investissements, au sens de l’entreprise privée, mais tout simplement de capacité financière dans le but de "soutenabilité" des finances publiques.

- Trois propositions pour une meilleure gestion de la dette locale, Note, février 2011
- Synthèse du rapport de la Cour des comptes (pdf)

Notes

[1] La gestion de la dette publique locale, Rapport de la Cour des comptes, juillet 2011.

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