Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
19/07/2012

Comment l’Europe peut-elle demeurer une destination privilégiée pour les investissements internationaux ?

Comment l’Europe peut-elle demeurer une destination privilégiée pour les investissements internationaux ?
 Iana Dreyer
Auteur
Chercheuse associée à l’Institut Montaigne



Première destination au monde des investissements internationaux, les pays européens feront face à une compétition accrue pour attirer des entreprises internationales. C’est ce qui ressort d’une conférence dédiée aux investissements en Europe, la World Investment Conference, qui s’est tenue du 20 au 22 juin 2012 à La Baule.

Les "investissements directs étrangers" – un atout pour la compétitivité
Sources de capitaux, de technologies et de nouveaux processus de production, les investissements effectués par des entreprises étrangères à la recherche de débouchés et de sites de production jouent un rôle majeur dans la compétitivité d’une économie. Ces investissements, appelés investissements directs étrangers (IDE), incluent l’ouverture de filiales, le lancement de sites de production ou la prise de participation à plus de 10 % dans une entreprise. Selon l’INSEE, les entreprises détenues par des investisseurs étrangers en France emploient 13,6 % de la main d’œuvre salariée en France et fournissent 16,8 % de la valeur ajoutée. Une étude portant sur les IDE dans le secteur industriel en France a démontré que les performances des entreprises françaises acquises par des groupes étrangers étaient significativement renforcées.[1]

L’Union européenne est la première destination des IDE dans le monde. En 2011, elle cumulait 7.275 milliards de dollars d’IDE, contre 3.509 milliards pour les Etats-Unis, et 1.849 milliards de dollars pour la Chine (Hong Kong y compris). Au sein de l’Europe, le Royaume Uni, la France, la Belgique, l’Allemagne et l’Espagne sont les principales destinations des investissements internationaux, avec, en 2011, respectivement 1.199, 964, 958, 714, et 635 milliards de dollars en stock.[2] Les principaux investisseurs dans ces pays sont majoritairement européens et américains. Les pays émergents ne jouent encore qu’un rôle marginal, bien que croissant, dans l’investissement direct en Europe.

La crise et les investissements en Europe
La conférence de La Baule, qui a rassemblé des décideurs de grands groupes industriels et de services européens, américains et asiatiques, a montré que, malgré la crise économique, l’Union européenne a maintenu son rang d’économie privilégiée aux yeux des investisseurs internationaux. Cependant la compétition internationale pour attirer les meilleurs investisseurs s’exacerbe, alors que l’Union européenne n’a jamais eu autant besoin d’investir pour croître. Au sein de l’Europe, la crise semble avoir affecté les flux d’investissements vers certains pays et privilégié d’autres dont les perspectives sont plus prometteuses.

En 2011, le Royaume-Uni était toujours la destination privilégiée des investissements internationaux : il a attiré 679 projets d’IDE, malgré un faible taux de croissance. L’Allemagne, avec 597 projets, a soufflé à la France (540 projets) la deuxième place, selon des chiffres issus d’une étude d’Ernst and Young présentée lors de la conférence. La qualité de ses infrastructures, de sa main d’œuvre et de son environnement juridique favorable aux entreprises expliquent en grande partie le choix des investisseurs en faveur du Royaume-Uni. La France, dont les flux d’IDE ont baissé de 4% en 2011, a souffert d’une perte de confiance des investisseurs en raison de son niveau d’endettement public, de son taux de chômage élevé ainsi que de ses faibles perspectives de croissance. Les investisseurs issus des pays émergents, essentiellement de Chine et d’Inde, se sont positionnés en Europe du Nord d’abord, notamment au Royaume Uni (7 % des projets de 2011), et en Allemagne (8 % des projets de 2011). Ces investisseurs sont majoritairement des fournisseurs de services informatiques, de télécommunications et de conseil en management aurprès des industriels. L’Espagne, malgré la crise, a quant à elle, attiré 62 % d’investissements étrangers supplémentaires en 2012 (par rapport à l’année précédente), notamment dans l’industrie, ce qui la distingue ainsi clairement des autres pays du Sud de l’Europe en perte de vitesse.

Des réformes nécessaires pour demeurer une destination attractive
Les propos tenus lors de la conférence ont mis l’accent sur l’urgence qu’il y a à résoudre la crise de la zone euro, première cause de la perte de confiance des investisseurs. La nécessité d’aller dans le sens d’un plus grand fédéralisme économique a clairement été soulignée. Sur les questions de plus long terme, une table ronde dédiée aux raisons qui poussent les investisseurs à investir ou pas en Europe (Why do investors come to Europe, stay, or leave ?) a fait ressortir les éléments suivants :

- aujourd’hui, une entreprise a un choix d’investissement plus large : il s’opère entre les cinq continents qui présentent tous des attraits, alors qu’il y a dix ans encore l’arbitrage se faisait essentiellement entre l’Europe et les Etats-Unis ;
- l’Europe, bien qu’elle doive se concevoir comme une entité unique, est divisée de fait en quatre catégories d’économies : les économies compétitives (Allemagne et Europe du Nord), les économies intermédiaires (France et Royaume-Uni), les économies émergentes et dynamiques (Europe de l’Est) et les économies d’Europe du Sud qui souffrent d’une désaffection de la part des investisseurs ;
- pour accroître l’attractivité de l’Europe aux yeux des investisseurs, ces derniers demandent aux décideurs politiques d’afficher leur volonté d’entrer de plein pied dans la compétition économique internationale. Pour cela, ils appellent à une simplification et une unification, au niveau des 27 Etats membres, de nombreuses réglementations économiques, notamment celles qui concernent le droit de la propriété intellectuelle ou le droit du marché du travail. Au-delà, le développement d’une plus forte culture entrepreneuriale a souvent été souligné comme une priorité en Europe.

Si le sommet de l’UE de juin 2012 (a permis à l’Europe de faire un pas vers le fédéralisme en posant comme principe la création d’une union bancaire, d’un brevet unique européen, etc., de nombreuses réformes visant à rendre l’Europe plus attractive pour les investisseurs sont à prévoir. Dans une note de mars 2012 intitulée Refonder le projet européen, l’Institut Montaigne insistait à nouveau sur la nécessité de renforcer la coordination des politiques économiques et budgétaires. Quant à la France, elle ne pourra faire l’économie de nombreuses réformes structurelles, notamment sur le marché de l’emploi, si elle entend demeurer, dans les prochaines années, attractive aux yeux des investisseurs.

Notes

[1] Lionel Fontagné et Farid Toubal, Investisssement direct étranger et performances des entreprises, Rapport de La Documentation française, 2010, p.215

[2] Ces chiffres sont fournis par la CNUCED : World Investment Report 2012, pp.173-174.

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne