Comme bien souvent dans l’histoire de la construction européenne, c’est en cherchant des réponses aux crises que l’Europe tente d’avancer. Médecin de formation, la présidente de la Commission a ainsi dessiné dans son dernier discours la voie d’une Europe mieux armée pour affronter les menaces sanitaires, à travers la création d’une nouvelle agence européenne pour la recherche biomédicale avancée, qui doit permettre à l’Europe de fournir un vaccin à l’ensemble de la planète. Dans son discours sur l’état de l’Union, Ursula von der Leyen appelle également à utiliser la Conférence sur l’avenir de l’Europe pour doter l’Union européenne de compétences propres en matière de santé, confirmant le rôle de cette conférence comme chemin vers une révision des traités.
La confirmation d’une ambition
La force de ce discours ne repose pas tant sur les annonces nouvelles qu’il pourrait contenir que sur la confirmation d’une ambition européenne tracée avant le déclenchement de l’épidémie. Si l’Union européenne s’est construite ces dernières années par et dans les crises, c’est parce que la volonté de "tenir ensemble" des entités hétérogènes a trop souvent conduit l’Europe à faire le choix de l’immobilisme, à maintenir le statu quo, en réagissant aux circonstances que lui imposait la succession des crises passées - du choc financier au Brexit, en passant par la crise des migrants.
Depuis son entrée en fonction, Ursula von der Leyen s’est attachée à définir pour l’Europe une vision d’avenir, fondée sur le verdissement de l’économie et sur la numérisation. Sans renier le caractère exceptionnel de l’épidémie, elle tient aujourd’hui à démontrer que les circonstances ne la font pas dévier du cap qu’elle a fixé pour l’Europe.
Alors que de nombreuses voix se sont élevées durant la crise pour remettre à plus tard l’objectif de réduction des émissions de CO2, la présidente de la Commission entend utiliser l’épidémie pour accélérer la transformation de l’Europe, en fixant un nouvel objectif de réduction de ces émissions plus ambitieux - réduction d’au moins 55 % d’ici 2030 contre 40 % auparavant - et en annonçant que l’essentiel du plan de relance de 750 milliards d’euros serait consacré au financement du green deal (37 %) et à la transition digitale (20 %). Plusieurs projets emblématiques évoqués dans ce discours, comme la vallée européenne de l’hydrogène, la vague de rénovation des bâtiments, l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou la création d’une identité numérique européenne permettant un meilleur contrôle des données, entendent ainsi renforcer le caractère tangible de cette vision.
Un profil politique de plus en plus assumé
Ce premier discours sur l’état de l’union permet par ailleurs à la présidente de définir de façon plus précise son logiciel politique, en particulier la conception de l’économie qui sous-tend son action. Évoqué dans ses précédents discours, le concept d’économie sociale de marché - en allemand la Soziale Marktwirtschaft - fait cette fois l’objet d’un long développement. Élaboré en Allemagne de l’ouest au lendemain de la Seconde guerre mondiale, inséparablement lié à la personnalité du Chancelier Ludwig Erhard et à la démocratie chrétienne allemande, ce modèle économique réalise, selon la présidente de la Commission, trois "promesses" : la protection des individus contre les risques de la vie ; la stabilité et l’absorption des chocs ; la création d’une prospérité fondée sur l’innovation et la concurrence équitable.
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