Pour qu’un jour un règlement international devienne possible, nous devons suivre selon moi deux orientations. D’abord, "coller" définitivement à Bachar el-Assad le statut de paria international. Les actions en justice qui se multiplient en Europe - honneur à la justice allemande ! - constituent un encouragement. Au moment où certains gouvernements paraissaient se résigner à renouer, la délégitimation du tyran se poursuit dans l’opinion internationale. Sur le plan diplomatique, la première tâche consiste donc à dissuader les États arabes et certains Européens de normaliser leurs relations avec le régime.
Souvenons-nous de Omar el Béchir. Il a régné pendant trente ans sur le Soudan, par des méthodes comparables à celles du régime Assad.
Pendant les dix dernières années de son règne, son inculpation par la Cour Pénale Internationale ne l’a pas empêché de continuer à gouverner. Mais cette ombre le poursuivait, gênant ses mouvements, limitant son horizon. Enfin, le 11 avril 2019, à la suite de protestations massives et d’un coup de pouce d’un des parrains étrangers du régime (précédant intéressant !), un coup d’État militaire mettait un terme à la carrière politique du tyran.
La deuxième orientation, c’est de soutenir à fond la société syrienne. C’est très difficile s’agissant de la société à l’intérieur du pays. Pourtant, 80 % des Syriens qui vivent en Syrie connaissent une abjecte pauvreté. Nous devons exiger des agences onusiennes et européennes qu’elles décuplent les secours aux Syriens de base, y compris dans les zones soumises au régime, sans pactiser pour autant avec les apparatchiks assadistes, sans leur laisser la possibilité de détourner à leur profit l’aide internationale comme c’est si souvent le cas actuellement.
N’y a-t-il pas une contradiction entre vouloir aider le peuple syrien à survivre et appliquer les sanctions rigoureuses du Caesar Act ? La réponse est non : c’est Assad, qui est responsable de l’état désastreux de son pays, et non les sanctions internationales ; les sanctions du Caesar Act sont d’ailleurs calculées pour frapper les dirigeants et non le peuple.
Et puis, il y a la diaspora syrienne, qui dépasse maintenant en nombre les Syriens restés en Syrie. Les Européens devraient se mobiliser davantage pour alléger la dure vie des Syriens vivant dans des camps et ailleurs dans les pays voisins ; ils doivent soutenir l’ouverture d’écoles et l’attribution de bourses pour permettre aux jeunes réfugiés syriens de faire des études. L’Union européenne et les États-Membres doivent en outre veiller à la bonne insertion des millions de Syriens réfugiés en Europe, et aussi les encourager à rester fidèles à leur pays d’origine.
On l’a souvent dit : la principale défaite de l’opposition a été celle des récits ; la principale victoire d’Assad a été celle de sa propagande. Cela aussi peut se retourner, est en train de se retourner. On a beaucoup vu en Occident la Syrie à travers le prisme déformant des services de renseignements dépeignant les Syriens comme une masse indiscriminée de terroristes fanatiques ; maintenant que des réfugiés syriens vivent parmi nous, une autre image s’impose, comme on le voit en Allemagne, comme on le remarque aussi dans les cercles de réflexion américains : les Syriens parmi nous s’intègrent le plus souvent sans difficulté, ils font preuve d’un courage magnifique dans l’adversité, beaucoup d’entre eux réussissent, comme d’ailleurs les Syriens ont toujours réussi lorsqu’ils étaient à l’étranger ; c’est un peuple intelligent, ouvert, d’une résilience exceptionnelle.
Mon sentiments en quelques mots ? Assurons-nous qu’Assad n’échappe pas à son statut de paria international définitif et soutenons à fond la société syrienne ; le reste viendra par surcroit.
Copyright : LOUAI BESHARA / AFP
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