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15/10/2018

Quel avenir pour l’Organisation Internationale de la Francophonie ?

Trois Questions à Dalila Berritane

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Quel avenir pour l’Organisation Internationale de la Francophonie ?
 Dalila Berritane
Contributrice sur les questions africaines

Le sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie s’est tenu dans la capitale arménienne d’Erevan les 11 et 12 octobre derniers : l’occasion notamment de désigner à sa tête la nouvelle secrétaire générale, ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo. Dalila Berritane, founder & CEO de Nedjma Consulting et rapporteure du groupe de travail de l’Institut Montaigne Prêts pour l’Afrique d’aujourd’hui ?, revient sur les principaux enjeux de ce sommet. 

Quelle importance revêt pour l’Arménie le 17e sommet de la Francophonie organisé à Erevan cette année ? 

La langue française et la culture francophone bénéficient d’un véritable capital de sympathie dans le pays. Entre la France et l’Arménie s’est développée au fil des siècles une véritable proximité culturelle et empathique, symbolisée entre autres par la figure de Charles Aznavour, dont la disparition a profondément ému en France et en Arménie. Les liens culturels avec la France demeurent aujourd’hui très forts : 600 000 personnes issues de la diaspora arménienne y vivent. 

Pour mémoire, l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) compte 88 Etats et gouvernements ayant le français en partage, selon l’expression consacrée, - quatre nouveaux membres font leur entrée au sein de l’OIF depuis le Sommet d’Erevan : la Gambie, l’Irlande, Malte, et l’Etat de Louisiane aux Etats-Unis. Le français est la langue officielle de 32 États et de gouvernements à travers le monde et de la plupart des organisations internationales. Au total, selon l’OIF, 300 millions de personnes sont francophones avec un centre de gravité se déplaçant vers le Sud et plus précisément vers l’Afrique subsaharienne

Cependant, un pays comme l’Arménie, qui compte 200 000 locuteurs en français sur les trois millions d’habitants, paraît stratégique dans une région sous influence russe. L’Arménie a adhéré à l’OIF dès 2004, et en est membre de plein droit depuis 2012, c’est-à-dire que le pays dispose de droits de vote à l’instar de 54 pays membres dont 29 sont en Afrique. Erevan a signé un Pacte linguistique avec l’OIF. Il s’agit d’un cadre général conclu avec les pays dont le français n’est pas la langue officielle, ce qui est le cas pour l’Arménie. La ville d’Erevan est membre de l’Association internationale des Maires francophones. 

Sur le plan diplomatique, la Francophonie peut ainsi disposer de relais dans une région aux confins du Caucase, soumise aux influences russes. Dans un monde où le multilatéralisme est mis à mal par les Etats-Unis (entre autres), l’espace francophone devrait pouvoir compter sur un allié frontalier de l’Iran, la Turquie et l’Azerbaïdjan. 

L’OIF a placé à sa tête une Africaine, la Rwandaise Louise Mushikiwabo, après un mandat réalisé par Michaëlle Jean. Que pouvons-nous attendre de cette nomination ?

La nomination de Louise Mushikiwabo, ancienne ministre rwandaise des Affaires étrangères, consacre le retour de l’Afrique à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie après la mandature de la Canadienne Michaëlle Jean, d’origine haïtienne. Dès sa nomination, la toute nouvelle secrétaire générale de l’OIF, qui entrera en fonction en janvier prochain pour quatre ans, a souhaité redonner de la visibilité à l’Institution qu’elle juge trop timorée dans les débats qui agitent la planète. Elle entend notamment engager l’OIF dans la défense des politiques multilatérales. Autre priorité du mandat de Louise Mushikiwabo : la jeunesse, qu’elle a affirmé vouloir placer au centre de son action.

Après de nombreuses critiques concernant sa gestion des droits de l’Homme, l’Arabie saoudite a décidé de retirer sa candidature d’observateur au sein de l’OIF. Plus largement, l'Organisation fait-elle face à un “réel danger de dispersion” comme l’affirme Pierre-André Wiltzer, ancien ministre français de la Francophonie, en acceptant en son sein des membres qui n’ont pas de lien direct avec la langue française et les objectif portés par l’OIF ? 

Le fait que l’OIF attire de plus en plus de candidats n’est pas une mauvaise chose en soi : cela prouve le pouvoir d’attractivité de la Francophonie. L’important est de définir clairement le projet politique de l’OIF et de le faire porter haut et fort par ses membres. Tous les pays membres de l’OIF ne sont pas francophones. C’est le cas de la Gambie ou de l‘Irlande qui viennent de rejoindre l’institution en tant qu’observateurs. L’essentiel est de partager des valeurs, d’y adhérer, de les faire prospérer et de les défendre lors de combats politiques aux Nations Unies ou dans d’autres instances. La Francophonie et particulièrement l’OIF seront ce que les membres et sa toute nouvelle secrétaire générale en feront. Contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, l’OIF demeure une instance politique.

 

Crédit photo : LUDOVIC MARIN / AFP

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