Depuis plus d’un mois maintenant, les gilets jaunes occupent le devant de la scène, mettant à mal le gouvernement français qui se voit dans l’obligation de réagir politiquement. Comment expliquer ce mouvement, qui n’est rattaché à aucun parti politique et qui réunit, semble-t-il, des personnes de tous bords ? Manifeste d’une crise de confiance dans les institutions et d’un véritable malaise social, comment ce mouvement peut-il évoluer ? Marc Lazar, contributeur sur les questions politiques et institutionnelles françaises et européennes, nous livre son analyse.
Ce mouvement marque-t-il une crise de confiance des Français dans les institutions ?
Oui, ce mouvement des gilets jaunes illustre de manière spectaculaire la profonde crise de défiance politique que vit la France depuis des décennies, et qui s’est sans doute accrue depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Depuis 2009, le CEVIPOF de Sciences Po réalise chaque année un baromètre de la confiance politique. Au vu de ce qui se passe en ce moment, cela vaut la peine de revenir sur les enseignements de celui de 2018, fondé sur un sondage réalisé en décembre de l’année précédente.
- 83 % des Français estiment que les responsables politiques ne se préoccupent pas d’eux.
- 68 % qu’ils "parlent des problèmes de manière trop abstraite",
- 62 % que "la plupart des responsables politiques ne se soucient que des riches et des puissants".
- 34 % d’entre eux pensent "qu’il n’y a pas de quoi être fier de notre système démocratique",
- 31 % que "les hommes politiques ne méritent pas de respect".
Par ailleurs, seulement 29 % des Français ont confiance dans l’Assemblée nationale, 32 % dans l’Union européenne, 33 % dans l’institution présidentielle et 30 % dans le gouvernement.
En revanche,ils se retrouvent un peu plus dans toutes les structures de proximité :
- 53 % d’entre eux ont confiance dans le conseil municipal et leurs maires,
- 43 % dans le conseil départemental
- et 41 % dans le conseil régional.
Cette défiance massive à l’égard de la classe politique - qui est considérée comme déconnectée des réalités et trop éloignée des Français - et des institutions débouche sur une méfiance envers la politique, partagée par 39 % des Français, qui va jusqu’au dégoût pour 25 % d’entre eux.
Cela résulte de la situation sociale du pays, dont la responsabilité est imputée à l’ensemble des dirigeants, quelle que soit leur appartenance politique. Plus profondément, tous ces indicateurs découlent également de mutations profondes de la démocratie en France. En particulier, le déclin des organisations d’intérêts, des corps intermédiaires, des syndicats (27 % des Français leur font confiance) et singulièrement des partis politiques (9 %) ou des médias (24 % de confiance) mais également, des transformations de la gouvernance du fait de l’européanisation croissante. Enfin, la défiance est interne à la société : 40 % des Français ont confiance dans les gens rencontrés pour la première fois (contre 92 % qui ont confiance dans leurs familles et les gens qu’ils connaissent personnellement). Gageons que le baromètre de cette année enregistrera des résultats plus négatifs encore.
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