La crise sanitaire du Covid-19 a entraîné, à l’échelle mondiale, un ralentissement majeur du secteur industriel. Alors que le déconfinement s’annonce progressivement dans de nombreux pays, deux questions majeures se posent aujourd’hui : quel a été l’impact de cette crise sur l’industrie, tant à l’échelle nationale qu’européenne ? Mais aussi, et surtout, quelles leçons tirer de cette crise pour redémarrer l’activité et améliorer la productivité ? La période post-Covid-19 pourrait rebattre les cartes et il est important, dès aujourd’hui, de penser l’industrie française et européenne pour que celles-ci tirent leur épingle du jeu. Trois questions à Olivier Scalabre, directeur associé senior au BCG, rapporteur pour l’Institut Montaigne du groupe de travail Industrie du futur, prêts, partez !
Comment se distingue l’industrie européenne des industries américaines ou chinoises depuis le début de cette crise sanitaire ? Peut-on parler d’une politique industrielle européenne ?
La pandémie s’est propagée de façon progressive et différenciée sur l’ensemble du globe. La nature asynchrone de cette crise pose d’ailleurs un problème majeur lors du redémarrage pour les entreprises internationales aux chaînes d’approvisionnement mondiales.
Après s’être totalement arrêtée, la Chine a très rapidement réouvert toutes ses usines. Reconfiguration des chaînes de production pour satisfaire aux exigences de sécurité, location d’hôtels pour éviter les risques liés aux transports pour les ouvriers, prise de température systématique, QR code WeChat… la Chine a redoublé d’efforts pour redémarrer le plus vite possible. Dès le 15 mars, c'est-à-dire lorsque l’Ouest entrait dans le confinement, 90 % des usines chinoises avaient réouvert, la consommation d’énergie était déjà à 80 % de ce qu’elle était en 2019 à la même époque. La Chine était, dès mi-mars, en position de prendre des parts de marché face à ses concurrents américains et européens.
Le contexte américain est différent. Les usines ne se sont pas réellement arrêtées, l’industrie a été maintenue en grande majorité, à l’exception de l’industrie automobile dont 90 % des usines ont fermées, comme en Europe, mais plus pour arrêter d’engorger les stocks qui s’accumulaient dans les concessions que pour des problèmes sanitaires. Bien que le pays compte 22 millions de nouveaux chômeurs, ceux-ci sont principalement issus de la restauration, de l’hôtellerie et des loisirs… Les ouvriers américains sont quant à eux au travail et prêts à accélérer lors du déconfinement.
Le Covid-19 n’ayant pas touché tous les pays européens au même moment, ni de la même manière, nous n’avons pas assisté à un plan concerté au niveau européen. Chaque gouvernement a tenté de répondre à l’urgence, en se concentrant sur son territoire et ses entreprises.
- La solution proposée par le gouvernement français, le chômage partiel, a largement été adoptée par les acteurs industriels : au plus fort du confinement, début avril, les usines des matériaux de construction tournaient à 15 %, celles de la métallurgie à 30 % et celles de l’aéronautique à 40 %... L’arrêt a été brutal, généralisé et long. Le redémarrage est difficile.
- En Allemagne, où la pandémie a été mieux contrôlée, et où le dispositif de chômage partiel a été moins généreux qu’en France, l’arrêt a été beaucoup moins important et généralisé. Par exemple, dans le secteur ferroviaire, les usines ne se sont pas arrêtées, contrairement à la France. Un point positif pour nos voisins allemands qui étaient entrés dans la crise dans une meilleure santé économique que la France.
L’industrie française pourrait-elle être la grande perdante de cette sortie de crise ? Comment l’expliquer ?
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