Mais Trump, contrairement à Bush après le 11 septembre ou aux dirigeants européens d'aujourd'hui, semble avoir rapidement abusé de son regain de popularité. Il est maintenant au niveau - ou au-dessous du niveau - de soutien dont il bénéficiait avant l'arrivée du coronavirus, un président qui - fait inhabituel pour les États-Unis - n'a jamais dépassé 50 % d'approbation publique pendant son mandat.
Si la cote d'approbation de quatre sur dix de Trump peut sembler enviable pour des dirigeants de systèmes parlementaires, elle n'est pas sans poser problème à moins de six mois de la prochaine élection pour le président d’un système bipartite.
En politique, les démocrates suivent les règles du jeu tandis que les républicains passent à l'offensive
Alors que le virus fait rage, les démocrates ont rapidement conclu leur campagne pour élire un opposant au président Trump, en faisant si peu de bruit que le New York Timestitrait "Hello, what’s this? The Dems aren’t in disarray" ("Que se passe-t-il ? Les démocrates n’ont pas sombré dans le chaos"). Après une campagne d’un an au cours de laquelle plus de vingt candidats se sont présentés, et théâtre de débats houleux et d’attaques médiatiques vicieuses, l’ancien vice-président Joe Biden, candidat présumé, et le sénateur Bernie Sanders, son dernier opposant, ont déclaré qu’ils s’aimaient beaucoup et ont créé six comités afin d'harmoniser leurs positions. (La politique étrangère et de sécurité ne figurent pas parmi les sujets qui seront examinés par les comités).
Biden a également contacté le président Trump afin de discuter de la réponse au virus, un contraste saisissant face au va-et-vient incessant entre Trump et les gouverneurs démocrates au sujet de l’équipement médical et des mesures à mettre en place.
Et Biden a finalement obtenu l’appui de l’ancien président Obama, qui demeure extrêmement populaire auprès des démocrates. Ces trois étapes, ainsi que sa promesse de nommer une femme comme co-listière pour la vice-présidence, ont démontré l’ambition de Biden de se présenter comme anti-polarisant, comme figure de rassemblement des idéologies, genres, et races.
Le président Trump et de nombreux responsables républicains ont néanmoins signalé leur intention de faire exactement le contraire, poursuivant et même accélérant le processus par lequel l’administration contrôle ses partisans les plus enthousiastes, et délivre des résultats aux principaux groupes d’affaires et de sécurité du parti républicain, sans jamais atteindre la popularité de la majorité.
L’administration Trump a mis en avant des mesures réglementaires controversées, allant de l’abaissement des normes nationales de rendement énergétique des automobiles à l’assouplissement des règles qui limitent les émissions de polluants toxiques. Personne n’a été surpris de ces mesures de déréglementation, un objectif des forces conservatrices depuis plusieurs années, et annoncées par l’administration. Mais à cela s’ajoutent des changements plus inhabituels : la suspension des inspections régulières de sécurité alimentaire, par exemple. Certains départements du gouvernement ont notamment publié des interprétations du dernier plan de relance économique adopté par un vote bipartite au Congrès, qui ont permis aux banques d’intercepter les chèques de secours des citoyens en les faisant passer pour d’anciennes dettes, et ont ouvert les programmes de prêts aux petites entreprises à d’importants fonds spéculatifs.
L’approche transactionnelle de Trump, qui consiste à récompenser ses amis et punir ses ennemis, est bien connue de ses partenaires internationaux ayant traité avec lui au sujet de l’OTAN ou du commerce. Aussi surprenant que ce traitement infligé aux alliés américains depuis trois ans puisse paraître, celui réservé aux gouverneurs à la recherche de fournitures médicales et d’équipement de protection fut un choc bien plus grand. Les gouverneurs démocrates de New York, du Michigan, du Colorado et du Kansas se sont plaints de ne pas avoir obtenu les équipements qu’ils avaient demandé, ou de voir les fournitures commandées leur passer sous le nez, à la faveur d’acheteurs fédéraux. Trump a déclaré lors d’une conférence de presse qu’il avait ordonné au vice-président Pence, en charge de la réponse nationale au virus, de ne pas répondre aux appels des gouverneurs qui n’étaient pas suffisamment respectueux. Certains gouverneurs républicains, en revanche, se sont vantés d'avoir obtenu tout ce dont ils avaient besoin; d'autres, républicains comme démocrates, en ont conclu qu’une éloge publique de Trump ou de Pence permettait d’obtenir plus facilement les fournitures nécessaires.
Dans ce contexte, la campagne anti-OMS du président Trump apparaît comme un moyen de tourner à son avantage les lacunes de la réponse américaine. Le fond n’est pas pertinent : ce que fait l’OMS, comment elle pourrait s’améliorer, ou le problème posé par l’influence chinoise. Bien que, d’après les instituts de sondages, une grande majorité d’Américains déclare soutenir la coopération internationale contre le virus, les organes des Nations Unies sont le bouc émissaire habituel des partisans de Trump. Lorsque celui-ci blâme l'OMS pour les décès survenus aux États-Unis, les journalistes se targuent d'avoir l'esprit vif en mentionnant les erreurs de l'organisation. Lorsque les internationalistes protestent, ils renforcent la critique de Trump selon laquelle ils vendraient les intérêts américains à des étrangers, consolidant ainsi sa popularité auprès de sa base.
Ajouter un commentaire