Face à la pandémie, les plateformes digitales ont partagé leurs données, pris leurs responsabilités concernant le contenu partagé et évolué rapidement pour utiliser des sources d'information crédibles. D’après Heidi Tworek, professeure adjointe d’histoire internationale à l’Université de la Colombie-Britannique, cela devrait continuer à être la norme.
Cet article est traduit de l’anglais. L’original a été publié le 14 mai 2020 sur le site du Centre for International Governance Innovation.
La pandémie de Covid-19 a transformé les contours du crédible. Qui aurait cru que la moitié de la planète pourrait se retrouver confinée ? Ou que certains pays, comme les États-Unis, connaîtraient leur plus grand niveau de chômage depuis la Grande Dépression ? Ou bien encore que la République Tchèque (puis d’autres) produirait assez de masques pour leurs citoyens en quelques jours, avec une obligation gouvernementale de le porter en public ? Ce qui semblait impossible, à bien des égards, est devenu possible.
En ligne, la liste des modifications inattendues et dramatiques de nos comportements est sans fin. En cinq jours, entre le 20 et le 25 février, les dix mots les plus utilisés dans les recherches Amazon ont évolué, passant des habituels "protection de téléphone" aux termes liés au coronavirus en Italie, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Allemagne par exemple. Les entreprises de bâtiments et travaux publics (BTP) se sont dirigées vers la vente en ligne, les provinces canadiennes ont légalisé la vente d’alcool en ligne et, début mai, la plateforme d’e-commerce Shopify est devenue l’entreprise cotée en bourse la plus valorisée.
Les réseaux sociaux ont aussi apporté leurs lots de surprises. Dans les dernières semaines, les plateformes digitales ont partagé leurs données, pris leurs responsabilités face aux contenus tels que les désinformations et adopté rapidement les institutions officielles telles que l’OMS comme sources d’informations vérifiées. Ces développements rapides nous invitent à être à la fois sceptiques face à la rhétorique des entreprises, mais aussi ambitieux dans nos visions de ce qu’une version positive d’Internet pourrait être. Cette pandémie nous dévoile ainsi un champ des possibles.
Ces entreprises sont connues depuis longtemps pour leur position tenace concernant la liberté d’expression. Même si elles emploient des modérateurs de contenus et ont mis en œuvre des mesures, elles ont généralement réagi plutôt lentement pour combattre les fausses informations, même celles démontrées comme dangereuses, telles que les contenus anti-vaccins.
Leurs réactions étaient bien plus rapides concernant le Covid-19. Les entreprises ont rapidement mis à jour leurs politiques de modération de contenus et ont semblé comprendre leur responsabilité vis-à-vis de la circulation d’information et de ses effets. "Même dans les traditions valorisant le plus la liberté d’expression, comme les États-Unis, il y a le précédent que vous n’acceptez pas de laisser crier au feu dans une salle bondée", a expliqué Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, à la mi-mars. Instagram a commencé à supprimer les contenus erronés qui utilisaient le hashtag Covid-19 et y a substitué les informations donnée par l’OMS et le Centre de Prévention et de Contrôle des Maladies américains (CDC). Plusieurs types de publicités ont aussi été réduites pour éviter les escroqueries. À la fin mars, Twitter a même décidé que des tweets provenant de personnalités politiques pouvaient être enlevés, et a supprimé deux tweets de Jair Bolsonaro, le Président brésilien, qui vantaient les mérites de faux remèdes et propageaient des informations incorrectes1.
Après avoir longuement insinué que les meilleures informations arrivaient en haut de page, les plateformes ont fini par décider qu’elles devaient choisir les sources les plus fiables pour leurs utilisateurs.
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