Selon un article du Financial Times, la Suisse serait le pays ayant réalisé le plus de tests durant la crise, et ce bien que le dépistage ne fit pas partie au début de l’épidémie des priorités du gouvernement. Alors que le prise en compte du contact tracing apparaissait progressivement comme un élément crucial de la gestion de la crise, la Suisse a augmenté rapidement son stock de tests, grâce notamment à l’engagement de l’industrie pharmaceutique et en particulier du géant pharmaceutique Roche. Après avoir considérablement augmenté sa production de tests épidémiologiques, l’entreprise bâloise développe actuellement à grande échelle un nouveau test sérologique permettant de détecter les anticorps au Covid-19.
La Suisse dispose des deux plus grandes entreprises pharmaceutiques d’Europe, Novartis et Roche, plaçant le pays en bonne position dans la course au vaccin. La réserve qui caractérise les dirigeants suisses en politique se retrouve cependant dans le domaine industriel : les PDG des deux géants pharmaceutiques ont déclaré ne pas croire à la disponibilité d’un vaccin avant 2021.
Un plan de déconfinement fondé sur l’appel à la responsabilité
Le 16 avril 2020, le Conseil fédéral, prenant en compte l’aplanissement de la courbe des contaminations, présente son plan de reprise progressive de l’activité, marqué par la date symbolique du 11 mai, que le Président Emmanuel Macron avait choisi de définir quelques jours plus tôt comme horizon de sortie du confinement pour la France.
À partir du 27 avril, les coiffeurs, les magasins de jardinage et de bricolage sont autorisés à rouvrir, mais le 11 mai représente le véritable retour à la "nouvelle normalité". À partir de cette date, les cantons peuvent choisir de rouvrir les écoles ; les musées, magasins, bars et restaurants peuvent rouvrir à condition d’éviter les groupes de plus de 4 personnes. Les restrictions à l’entrée sur le territoire sont progressivement levées et, à partir du 8 juin, toutes les activités peuvent reprendre normalement, à l’exception des manifestations de plus de 1 000 personnes, qui restent suspendues jusqu’à la fin du mois d’août.
En comparaison de ses voisins européens, la Suisse semble aborder la sortie de crise avec une étonnante décontraction. La vie y reprend plus rapidement que chez ses voisins, le port du masque n’est pas obligatoire, mais seulement recommandé dans les transports publics aux heures de pointe. Un étonnant débat agite par ailleurs la Confédération suisse, depuis que Daniel Koch, l’épidémiologiste le plus écouté du pays, a annoncé que les grands-parents pouvaient de nouveau embrasser leurs petits-enfants, dans la mesure où ces derniers ne seraient pas des facteurs de transmission du virus.
Ce retour progressif à la normale s’accompagne de mesures visant à renforcer la capacité des autorités à suivre la chaîne des contaminations. L’application suisse DP-3T, développée par les écoles polytechniques de Lausanne et Zurich, sera lancée mi-mai, lors d'une phase pilote. Son utilisation est facultative et elle s’appuie sur la technologie Bluetooth, sans géolocalisation et de façon anonyme. Son utilisateur reçoit une notification s’il a été en contact rapproché (moins de deux mètres de distance pendant au moins 15 minutes) avec une personne testée positive au Covid-19. Ce système fonctionne de manière décentralisée, c’est-à-dire que les données ne sont pas stockées sur un serveur unique.
Selon le politologue Marcus Freitag, chercheur à l’université de Bern, la confiance des Suisses dans leurs institutions et celle du gouvernement à l’égard de sa population sont les deux composantes principales de la stratégie de sortie de crise. Malgré les appels du gouvernement à la responsabilité de chacun, la période de déconfinement pourrait mettre à mal cette concorde, comme en témoignent les nombreuses manifestations organisées le 9 mai dans les principales villes suisses pour dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux que représentent les mesures imposées par le gouvernement.
Conclusion
"Agir aussi vite que possible et aussi lentement que nécessaire" : cette devise du gouvernement Suisse se rapproche du festina lente ("hâte toi lentement") que Suétone attribuait à l’empereur Auguste comme principe du bon gouvernement. Elle résume parfaitement l’action du gouvernement suisse face à l’épidémie : loin de la rhétorique martiale et des mesures coercitives prônées par différents dirigeants européens, la Suisse a abordé la crise avec calme et modération, permettant de limiter le nombre de morts et de renforcer la confiance des Suisses dans leurs institutions. Si elle n’était pas mieux préparée pour cette pandémie que les autres États européens, la Suisse semble davantage accepter l’existence d’un risque au sein de sa société.
Avec la collaboration de Margaux Tellier
Copyright : Fabrice COFFRINI / AFP
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