Deuxième point. Le mécanisme d’ajustement met sur pied d’égalité producteurs européens et exportateurs vers l’Union, chacun devant payer le même prix pour le carbone intégré dans ses produits. Il n’y a donc aucune discrimination, ce qui rend le mécanisme compatible avec les règles de l’OMC. D’ailleurs, pour que les exportateurs de l’Union, qui payent des droits carbone pour produire, ne soient eux-mêmes victimes d’une discrimination, le mécanisme inverse doit être appliqué à leurs exportations. L’ajustement à la frontière n’est pas protectionniste.
Troisième point. Le but de la tarification frontalière est de s’assurer que le prix du carbone est bien le même quels que soient les produits consommés dans l’Union. D’ailleurs, les exportateurs de tout partenaire commercial pratiquant une politique de prix du carbone, seraient exemptés de droits à hauteur de ce qu’ils ont acquitté sur leur lieu de production. Et plus nos partenaires commerciaux se joindraient à une politique de prix du carbone, moins le prélèvement à la frontière rapporterait, preuve qu’il ne s’agit aucunement de créer une ressource fiscale supplémentaire.
Passons aux travaux pratiques
La mise en œuvre du MACF pose une série de problèmes que la Commission a pu mesurer lors de ses consultations.
Le premier défi est celui de la mesure du contenu carbone des importations. La Commission la ferait reposer sur les déclarations des importateurs, celles-ci étant susceptibles de vérifications par les pays destinataires, selon l’adage "faire confiance mais garder la possibilité de vérifier". Les mêmes autorités nationales seraient en charge de l’acquittement des droits, calculés sur la base des prix de marché en moyenne hebdomadaire. En cas d’incapacité de l’importateur d’évaluer le contenu carbone, on appliquerait une valeur par défaut selon le type de produit, calculée par la Commission. De ce point de vue, la Commission dispose d’une forte expertise, grâce aux années de fonctionnement du SEQE. Notons que l’enjeu des modalités de mesure n’est pas que technique : trop laxistes, elles laisseraient subsister des fuites carbones, trop tatillonnes, elles pourraient être attaquées devant l’OMC comme barrières non-tarifaires.
Le second défi est celui de la période de transition. Prudente, la Commission propose de ne mettre en œuvre le MACF qu’en 2026, et pour une gamme limitée d’importations, ciment, fer/acier, aluminium, engrais et électricité. Entre 2023 et 2026, le système serait testé "à blanc", c’est-à-dire sans tarification, de façon à l’adapter à la réalité. L’élimination progressive des quotas gratuits et la montée en gamme du MACF iraient en parallèle, ce qui devrait avoir raison des craintes des industriels. Son élargissement à une gamme plus large de biens et services serait évalué en fonction des résultats déjà acquis.
Le club carbone européen est en chantier
En décembre 2019, l’Institut Montaigne avait publié un rapport intitulé Comment l’Europe peut faire basculer le monde vers la décarbonation. Cela pouvait paraître hyperbolique, mais je ne faisais que m’appuyer sur une idée théorisée par le prix Nobel William Nordhaus, dont il est bon de se souvenir que les premiers travaux sur le changement climatique et le prix du carbone datent des années 1970.
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