On peut craindre une intensification de la mobilisation de la puissance de feu pour capitaliser sur les axes où l’armée russe a enregistré des avancées – le Donbass et le sud (Marioupol restant un point d’effort particulier, pour consolider le lien terrestre entre le Donbass et la Crimée). En cas de succès, Poutine pourrait déclarer une "victoire" en soulignant, comme il l’a déjà fait d’ailleurs, la cohérence des opérations avec ses annonces des 21 et 24 février - il s’agissait de sauver le Donbass d’un "génocide" et de faire en sorte que l’Ukraine ne puisse plus constituer une menace militaire directe pour la Russie.
Le pouvoir russe ne semble pas avoir renoncé à sa pression sur Kharkiv, Mikolaiv et Odessa. On peut se demander si la Russie peut conserver son contrôle sur Kherson, et si la prise d’Odessa peut rester un objectif. En tout état de cause, la perte du Moskva, frappé par les missiles ukrainiens Neptune, va affecter son positionnement sur ce front-là. Dans cette nouvelle phase, la question se pose des réserves dont dispose l’armée russe - en hommes (quelle disponibilité, par exemple, des forces qui se sont retirées du nord du pays ? une bonne partie n’est probablement pas immédiatement mobilisable), en équipements (on suppose que l’armée russe a encore des stocks, même s’ils sont disparates), et en munitions. Cependant, la logistique suivra probablement mieux pour le Donbass car les distances avec le théâtre des opérations est moindre.
Ce que les Russes pourraient chercher à faire si la prochaine phase des opérations devait réussir reste cependant incertain. Étant ainsi dans une position un peu moins défavorable, s’engageront-ils dans une négociation sérieuse avec Kyiv ? Ou faudra-t-il craindre une nouvelle séquence, dans laquelle la Russie pourrait engager plus tard de nouvelles opérations, peut-être mieux préparées ? Son armée, dont on a vu les faiblesses, en aurait-elle les moyens ?
Quelle est la place accordée aux milices et aux mercenaires étrangers auxquels l’armée russe fait appel en appui de ses propres forces armées ? Le recours à ces milices peut-il avoir un impact sur l’issue militaire du conflit ?
On peut déjà parler des forces "complémentaires" disponibles en national. Les kadyrovtsy, les brigades du leader tchétchène intégrées formellement au sein de la Garde nationale russe (Rosgvardiya), sont sur place dès les premiers jours du conflit. Les hommes de Wagner, dont certains opèrent dans le Donbass depuis 2014, devraient voir leur effectif renforcé, sans doute par l’arrivée de membres actuellement déployés en Syrie ou en Libye selon le ministère britannique de la Défense. Cette société militaire privée, proche du Kremlin et avec laquelle le ministère russe de la Défense a visiblement établi un modus vivendi tenant compte de ses limites en ressources humaines, contribuerait aussi aux recrutements de Syriens qu’a encouragé le Kremlin. Elle aurait ainsi "réorienté" des mercenaires syriens engagés en Libye vers la Russie pour entraînement avant déploiement en Ukraine.
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