La plupart du temps utilisée pour faciliter les conversations privées entre ami(e)s ou collègues de travail, l’application de messagerie WhatsApp peut néanmoins aussi être exploitée à des fins de propagande. Cela fut notamment le cas lors des dernières campagnes électorales qui ont eu lieu au Brésil et en Inde. Quelles informations fallacieuses ont entaché le bon déroulement de ces événements politiques et quelles tactiques ont été employées pour les propager ? Les mesures prises pour essayer de limiter l’ampleur du phénomène ont-elles, par ailleurs, été efficaces ? Et comment poursuivre les efforts sur ces questions sans porter atteinte à la vie privée des gens et surtout à leur liberté d’expression ? Manon Berriche, doctorante au médialab de Sciences Po et au Centre de Recherches Interdisciplinaires, nous livre son analyse.
Avec plus de 1,5 milliard d’utilisateurs actifs, WhatsApp fait partie des applications les plus utilisées au monde. Toutefois, derrière cette popularité internationale se cachent des disparités d’usage entre les pays. En effet, comme l’indique le dernier rapport de l’Institut Reuters, alors que la proportion d’individus utilisant l’application pour lire ou partager des informations sur l’actualité est très faible dans de nombreux pays occidentaux comme le Royaume-Uni (9 %), l’Australie (6 %), le Canada et les États-Unis (4 %), celle-ci est très importante dans certains pays émergents comme le Brésil (53 %) ou l’Inde (52 %).
Un usage différent de WhatsApp dans les pays émergents
Cet engouement s’explique sûrement par le fait que les populations de ces régions achètent des forfaits prépayés, avec des limitations de connexion à Internet, mais qui leur permettent d’avoir un accès gratuit à WhatsApp. Par ailleurs, il faut souligner une autre différence majeure au niveau de l’intégration de groupes de discussion : alors qu’auRoyaume-Uni, seulement 12 % des utilisateurs déclarent être membre d’un groupe dans lequel ils ne connaissent personne, cette proportion s’élève par exemple à 58 % au Brésil.
C’est que les fonctionnalités de WhatsApp sont telles qu’elles permettent à la fois aux utilisateurs de créer des groupes privés que d’autres ne peuvent rejoindre que si l’un des membres les rajoute, mais aussi des groupes dits "publics", que n’importe qui peut rejoindre sous réserve de ne pas dépasser la limite de 256 personnes. C’est ainsi que des activistes politiques ont profité de cette fonctionnalité pour ajouter automatiquement des milliers de citoyens, en obtenant illégalement leur numéro de portable par des compagnies téléphoniques ou grâce à des outils de scrapping leur permettant de récolter ces numéros directement sur Facebook. Si de multiples contenus idéologiques et mensongers ont ainsi pu être massivement diffusés au sein de nombreux groupes de conversation "publics", parfois de façon automatisée et coordonnée, notons également que la facilité de trouver des liens d’invitation vers ceux-ci sur le web a permis à des chercheurs de mieux étudier le phénomène de la désinformation sur WhatsApp, sans aller jusqu’à s’immiscer dans les échanges privés des utilisateurs.
WhatsApp, un vecteur de désinformation important mais difficile à étudier pour les chercheurs
Récemment, quelques enquêtes exploratoires se sont en effet intéressées aux informations circulant au sein de ces groupes "publics". Une étude menée par l’organisme de recherche et l’école de journalisme Poynter a par exemple trouvé que les contenus les plus viraux pendant les élections présidentielles brésiliennes de 2018 furent surtout des photos qui évoquaient des tentatives de fraudes électorales.
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