Être "parti de gouvernement et parti de luttes" comme on dit en Italie peut être payant : mais actuellement, cela pénalise la Ligue. Matteo Salvini, lui-même, a perdu une partie de sa popularité. Fratelli d’Italia déploie une toute autre stratégie puisque ce parti est à l’opposition. À l’occasion de ce scrutin, il a montré ses limites. Toutefois, dans les intentions de vote pour les prochaines élections, il apparaît comme le premier parti italien. Mais il a toujours un problème de crédibilité qui a été aussi attesté lorsque Giorgia Meloni a eu des propos plus qu’ambigus après une manifestation violente à Rome où un groupuscule fasciste a attaqué le siège de la CGIL, la principale confédération syndicale italienne. Elle, qui a commencé sa carrière politique dans un mouvement fascisant avant de devenir une réactionnaire, déclare n’avoir aucune nostalgie du fascisme mais ne rompt pas clairement avec ceux qui s’en réclament encore et qui, parfois, sont membres de son propre parti.
Enfin, Forza Italia de Silvio Berlusconi est réduit à la portion congrue malgré la victoire de son candidat à Trieste et à la tête de la région de la Calabre où, là aussi, les électeurs étaient appelés aux urnes. Il Cavaliere se veut l’élément modéré de la coalition de centre droit. Mais celle-ci apparaît très hétérogène, puisqu’elle regroupe deux partis, la Lega d’une part et Fratelli d’Italia d’autre part, clairement populistes. Reste que selon les enquêtes d’opinion avant cette tournée électorale, le centre droit était crédité de 44 à 47 % d’intentions de vote. Tout reste ouvert en Italie.
Au lendemain de ces élections, quel est l’avenir tant pour le gouvernement Mario Draghi que pour lui personnellement ?
Je crois que la position du gouvernement est confortée. Le centre gauche peut continuer à soutenir son action qui n’a pas été sanctionnée dans les urnes. Au contraire, la bonne image dont il bénéficie parmi les Italiens pour qui, tous les sondages le démontrent, les priorités sont la santé et l’emploi et qui recherchent la protection de l’État, l’a peut-être aidé à gagner ses villes. Davantage, ces maires à peine élus pourront être des relais dans la gestion du plan de relance italien au niveau local. Le centre droit, qui, avant ce scrutin, rêvait d’élections anticipées en cas d’accession de Mario Draghi à la présidence de la République en début d’année prochaine, sera peut-être un peu plus prudent. Il a sans doute besoin d’un peu de temps pour s’accorder sur sa stratégie et son programme. Le Mouvement 5 étoiles ne veut surtout pas d’élections anticipées car une grande partie des députés et des sénateurs risquent d’être renvoyés chez eux. Aussi, Mario Draghi peut élaborer sa loi de finances avec une certaine sérénité, continuer de renforcer sa position en Europe et, cela nous concerne, signer le Traité du Quirinal avec Emmanuel Macron qui scellera l’amitié entre la France et l’Italie.
Reste la grande inconnue. Qui sera le futur président de la République ? Plusieurs scénarios existent. Sergio Mattarella, en dépit de toutes ses dénégations, prolonge son mandat d’un an à titre exceptionnel, ce qui permettrait à Mario Draghi de lui succéder juste avant les élections des Chambres. Ou alors Mario Draghi devient président de la République dès le début de l’année prochaine, et le Parlement réussit à trouver un président du Conseil qui assure la direction du gouvernement pour un an. Ou encore, c’est impossible, et dans ce cas, le nouveau Président de la République dissout les chambres. Mais, dans les deux cas, quel que soit le résultat des élections, et surtout si c’est le centre droit qui les gagne alors que l’on peut se poser de légitimes questions sur son pro-européisme et plus généralement sur les mesures qu’il pourrait prendre sur divers sujets dont celui de l’immigration, la présidence de la République apparaît plus que jamais comme garantissant les engagements européens de l’Italie et surtout la réussite du plan de relance. Or, l’histoire récente montre que le président de la République peut exercer un vrai pouvoir. Enfin, dernière hypothèse, Mario Draghi renonce à briguer la présidence de la République, alors qu’il fait consensus pour exercer cette fonction, et un autre candidat ou une autre candidate surgit et est trouvé, et la législature va à son terme. La mission de Super Mario s’arrêterait en 2023. Provisoirement.
Copyright : ANDREAS SOLARO / AFP
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