Trop peu a été dit au sujet de la diversité des postures internationales de la Chine ces derniers jours. D'une part, Xi Jinping a proposé 2 milliards de dollars pour les pays en développement afin d’aider l'Organisation mondiale de la santé dans sa lutte contre le Covid-19, et a promis des initiatives médicales en Afrique. En parallèle, Liu He, le négociateur commercial en chef de la Chine, a réitéré son engagement à appliquer en 2020 l'accord commercial dit "Phase One" lors d’un appel téléphonique avec ses homologues américains. Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, parle de la nécessité d'éviter une guerre froide avec les États-Unis. Liu s'est pour sa part engagé à mener des discussions sérieuses avec l'Union européenne afin de parvenir à un accord bilatéral d'investissement, attendu depuis longtemps. Et l’ambassadeur chinois à Berlin promet un avenir radieux aux entreprises allemandes en Chine.
Mais d'autre part, et pendant ce temps, la session de printemps de l'Assemblée nationale populaire (ANP) chinoise prévoit une augmentation de 6,6 % du budget de la défense, alors même que les autres dépenses du budget central sont appelées à diminuer. L'augmentation des dépenses militaires devrait dépasser, peut-être de loin, la croissance économique du pays en 2020, pour laquelle aucun objectif n’a été annoncé cette année. Plus révélateur encore, l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) vient d’adopter en urgence une loi de sécurité nationale concernant Hong Kong : l'objectif officiel est désormais la "paix et la stabilité à long terme", termes utilisés auparavant pour le Tibet et le Xinjiang. Par ailleurs, l'adjectif "pacifique" a été supprimé de la mention par le Premier ministre de la réunification de Taiwan avec le continent. À la frontière indienne du Ladakh, les troupes chinoises se déploient.
La nouvelle posture chinoise alterne entre d'une part décisions brutales et expressions strictes d’une ligne dure ("wolf warrior diplomacy"), et engagements consensuels (quoique vagues) d’autre part. S'agit-il d'une tentative de camouflage, ou y a-t-il une logique à l'œuvre dans cette posture internationale très contrastée ? La nouvelle diplomatie de Xi Jinping inclut certainement le recours au mensonge : l’engagement de Xi envers Barack Obama en 2015 aux termes duquel la Chine ne "militariserait" pas la mer de Chine méridionale en est le cas le plus flagrant. Un prochain exemple sera sans doute le dénouement qui se joue à Hong Kong, où, avec une série d'actions bien orchestrées, la Chine a renoncé à son engagement de maintenir "un pays, deux systèmes" jusqu'en 2047. En plaçant officiellement les organes de sécurité nationale à Hong Kong, en affirmant la primauté de son Bureau central de liaison sur la Loi fondamentale, et en laissant au "gouvernement" de la région administrative spéciale (RAS) la simple tâche de transposer la future loi dans le système juridique de la région, la Chine met un terme à l'existence de Hong Kong en tant qu'entité autonome. L’adage populaire des années 1930, selon lequel les traités ne valaient pas plus que le papier sur lequel ils étaient écrits, s’applique désormais à la déclaration conjointe sino-britannique de 1984.
Moins frappant peut-être, l'engagement renouvelé de la Chine d'augmenter ses achats aux États-Unis de 200 milliards de dollars est également un mensonge opportuniste. Cet objectif semblait déjà problématique avant que la crise du Covid-19 ne frappe. Il apparaît encore plus inatteignable aujourd'hui, même si la Chine déplace ses achats (notamment de produits agricoles) de l'UE ou de l'Argentine vers les États-Unis. Mais, en réalité, le mensonge a permis de se concilier la stratégie de Donald Trump : la Chine pense qu'en lui accordant une apparente victoire commerciale, elle obtiendra une attitude beaucoup moins exigeante quant à des changements plus fondamentaux.
Cette propension à la dissimulation du régime de Xi est commune à d'autres régimes dictatoriaux (ainsi que de nombreux dirigeants autoritaires ou populistes). Mais cela ne doit pas nous détourner d’autres aspects de la posture diplomatique de la Chine. Tout d'abord, il faut faire la distinction entre ce qu'on appelait autrefois "l’étranger proche" dans le cas de l'Union soviétique, et ses partenaires plus éloignés, que le bras long politique et militaire de la Chine ne parvient pas à atteindre, du moins pour l’instant.
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