La crise politique italienne, provoquée au cœur de l’été par le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, a donné lieu à un surprenant coup de théâtre. En empêchant la tenue d’élections anticipées qui auraient pu renforcer le poids de la Ligue (extrême-droite), la formation d’une nouvelle coalition fait basculer la principale force politique d’Italie dans l’opposition. Ce retournement marque-t-il un retour à la normale ou porte-il en lui les germes d’une prochaine révolution ? Trois questions à Marc Lazar, contributeur pour l’Institut Montaigne sur les questions politiques institutionnelles françaises et italiennes.
[Mise à jour du 04/09] Un nouveau gouvernement a été formé, porté par une majorité réunissant sociaux-démocrates et Cinq Etoiles.
La crise politique ouverte durant l’été a conduit à l’éclatement de la coalition au pouvoir. Si l’alliance entre la Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles apparaissait fragile dès l’origine, quels sont les facteurs qui ont précipité sa dissolution ?
Matteo Salvini a saisi le prétexte d’un vote des parlementaires du Mouvement 5 étoiles contre l’achèvement du chantier de la ligne TGV entre Lyon et Turin pour déclencher la crise politique, exiger la démission de Giuseppe Conte, demander la convocation exceptionnelle du Sénat en pleines vacances et exiger des élections anticipées. Pourquoi a-t-il ainsi précipité le tempo politique ? Plusieurs explications peuvent être avancées.
Son large succès aux élections européennes, les sondages favorables à son parti, sa grande popularité l’ont sans doute amené à penser que c’était le bon moment pour essayer d’obtenir du président de la République la dissolution des Chambres. D’autant que les révélations journalistiques sur les liens financiers de son parti avec la Russie et l’enquête judiciaire qui s’est déclenchée à ce propos risquaient de lui faire du tort et d’écorner son image.
En outre, il était incité à agir ainsi parce que nombre de ses amis dans son parti supportaient moins que jamais le Mouvement 5 étoiles, en particulier les puissants Présidents des régions de la Lombardie et de la Vénétie qui veulent obtenir plus d’autonomie, ce que n’acceptaient pas les ministres du Mouvement 5 étoiles, défenseurs des intérêts du Sud du pays. Sa probable large victoire en cas d’élections anticipées lui aurait permis de constituer un gouvernement à sa main, seul ou en alliance avec le parti encore plus à droite que le sien, Frères d’Italie, et d’engager l’épreuve de force avec Bruxelles en arguant de la légitimité conférée par le vote des Italiens.
Salvini a commis deux erreurs qui marquent un arrêt – selon moi provisoire – dans son ascension politique. Il a négligé le poids des institutions, démontrant ainsi qu’il est bien un populiste n’accordant guère d’importance à celles-ci puisqu’il est convaincu d’incarner le peuple tout puissant. Il a sous-estimé le "TSS", Tout sauf Salvini, qui s’est immédiatement mis en place à l’initiative de Matteo Renzi, un des chefs du Parti démocrate (centre gauche).
Le premier Ministre sortant, Giuseppe Conte, est désormais chargé de composer un nouveau Gouvernement. Quel serait l’horizon politique d’une alliance entre le Mouvement 5 étoiles et le Parti démocrate, sur la scène européenne notamment ?
Il revient à Giuseppe Conte, qui a affirmé sa personnalité au cours de cette crise, de tenter de former un gouvernement et d’obtenir la confiance des Chambres. Cela ne sera pas une mince affaire. D’autant que le Mouvement 5 étoiles entend organiser une consultation sur sa plateforme numérique Rousseau afin de savoir si ses membres acceptent la formation de ce nouveau gouvernement : or, l’on sait que nombre d’adhérents du parti détestent le Parti démocrate. Le Mouvement 5 étoiles et le Parti démocrate veulent obtenir des ministères importants. La confrontation est d’ores et déjà rude.
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