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27/09/2017

Comment la France peut soutenir l'effort de diversification des économies en Afrique ?

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Comment la France peut soutenir l'effort de diversification des économies en Afrique ?
 Michaël Cheylan
Auteur
Contributeur sur les questions africaines

Michaël Cheylan, contributeur sur les questions africaines à l'Institut Montaigne, revient sur les propositions de notre dernier rapport Prêts pour l'Afrique d'aujourd'hui ? qui vise notamment à refonder la logique des partenariats économiques avec le continent africain.

A l’occasion du Bloomberg Global Business Forum qui s’est déroulé à New York, en même temps que l’Assemblée générale de l’ONU, le 20 septembre dernier, Aliko Dangote a déclaré que, son pays, le Nigéria, devait "prier pour que les prix du pétrole restent bas". Pour le "Bill Gates africain", la faiblesse des prix de l’or noir devrait être mise à profit pour réduire la dépendance de l’économie nigériane vis-à-vis des revenus tirés du pétrole et inciter les pouvoirs publics à entreprendre des politiques ambitieuses de diversification économique afin de compenser ce "manque à gagner" pour le budget de l'Etat. Un raisonnement qui vaut pour le Nigeria, le plus grand producteur de pétrole en Afrique (2 millions de barils par jour en 2015, 1,7 en 2016), mais également pour nombre de pays sur le continent.  

Certes, toutes les économies africaines ne sont pas des économies pétrolières. Sur l’ensemble du continent, seuls 20 pays sont considérés comme producteurs de pétrole et dix seulement dépassent une production de 100 000 barils par jour. Mais beaucoup d'autres continuent de tirer l’essentiel de leurs revenus de la rente minière (la Guinée-Conakry avec la bauxite, le Niger avec l’uranium, la Zambie avec la cuivre, la RDC avec différents métaux). En revanche, toutes sans exception pâtissent d’une faible diversification économique, qui les rend particulièrement vulnérables aux fluctuations des cours des matières premières sur les marchés internationaux.  

Ce constat n’est pas nouveau. Nombreuses sont les voix qui, depuis plusieurs années, appellent les pays africains à diversifier leurs économies et les entreprises à investir dans des secteurs "inclusifs" (qui ont des effets d'entraînement importants sur l'économie, à l'instar du secteur industriel, ou qui sont intensifs en main d'œuvre comme le secteur agricole).  

De toutes les sous-régions du continent, l'Afrique Centrale est peut-être la plus concernée par le syndrome mono-sectoriel. Très dépendantes des matières premières, ses économies (Angola, Congo-Brazzaville, Guinée Equatoriale ou encore, dans une moindre mesure, le Cameroun) ont subi de plein fouet la chute du baril de pétrole et le tassement des prix de certains minerais.  

Certes, la croissance africaine durant ces quinze dernières années a été tirée pour partie par la croissance intérieure, le marché de la construction, le boom des secteurs télécoms et bancaire, etc. Toutefois, sans développement d'une industrie de transformation (appuyée sur les secteurs primaire et secondaire), il sera difficile pour les pays africains d'innover réellement (plutôt que de se contenter d'importer l'innovation créée ailleurs), de créer de la valeur ajoutée et de générer des emplois en nombre suffisant (une nécessité compte tenu de la forte croissance démographique ; selon la BAD, d’ici à 2030, 29 millions de jeunes Africains intégreront chaque année le marché du travail).  

Aujourd'hui encore, malgré des efforts méritoires çà et là, les pays africains, globalement, exportent beaucoup (trop) de matières premières brutes, non transformées, et importent à l'inverse la quasi-totalité des produits transformés qu’ils consomment. Un déséquilibre intenable à terme. Un exemple illustre remarquablement cette situation, parfois ubuesque : alors que l'Afrique produit chaque jour près de 9 millions de barils de pétrole (8,158 millions de barils, très précisément, en 2015), elle importe 98 % de l'essence qu'elle consomme. Raison pour laquelle le même Aliko Dangote avait annoncé son intention d’investir, il y a quelques années, 12 milliards de dollars pour créer la plus grande raffinerie d'Afrique. Un projet qui devrait voir le jour fin 2019.  

Dans ce contexte, la France, qui entend repartir sur de nouvelles bases dans ses relations avec l'Afrique, a une carte à jouer. D'une part, en transférant davantage ses savoir-faire – qui sont reconnus et recherchés – dans des secteurs particulièrement utiles au développement des pays concernés (en matière de télécom, d’ingénierie, d’agriculture, etc. ; songeons ici à certaines de nos entreprises implantées, par exemple, au Sénégal qui apportent une vraie valeur ajoutée - et quantité d’emplois - à l'économie locale). D'autre part, en apportant sa contribution à la nécessaire réforme du secteur de l'enseignement pour permettre à l’Afrique de rentrer de plein pied dans l’économie de la connaissance, tout en répondant à un double défi : celui de la massification des effectifs (le nombre d’élèves et d’étudiants y augmentent de façon exponentielle) et celui d’une meilleure adéquation entre l’offre de formation et les besoins (réels ou potentiels) sur le marché de l’emploi. En effet, une économie insuffisamment diversifiée et faiblement contributrice en valeur ajoutée est condamnée à terme au sous-emploi, sans doute l’un des pires spectres à menacer l'Afrique aujourd’hui.  

En concentrant son action sur ces deux points (transfert de savoir-faire et contribution à l’économie de la connaissance), qui sont deux puissants ferments de la diversification économique, la France ferait œuvre utile : pour elle-même (en regagnant des parts de marché en Afrique) et pour ses partenaires africains (dont les économies seraient davantage multi-sectorielles et à plus forte valeur ajoutée). Un jeu "gagnant-gagnant", en somme, qui fonde le principe du "restart" que l'Institut Montaigne appelle de ses vœux en matière de relations Afrique-(France)-Europe.
 

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