Face à cette coopération Etats-Unis/Inde, Sun Xianpu, chercheur associé à l'Institut de stratégie internationale de l’Ecole centrale du Parti, parvient à une toute autre conclusion. [3] S'il constate que la coopération maritime entre ces deux pays a été stimulée par l'arrivée au pouvoir du gouvernement Modi, il révèle également que certains facteurs restreignent ce rapprochement, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre à la Chine. Le chercheur explique que, bien que New Delhi ait conclu un accord stratégique de coopération maritime avec les Etats-Unis, il est tout à fait possible de retarder les avancées de cette coopération, ce qui confère à la Chine beaucoup de temps pour planifier sa propre stratégie dans l'océan Indien. En réponse, il lui faut accélérer son déploiement stratégique, recommande-t-il. Néanmoins, la compétition ouverte n'est pas conforme à la stratégie internationale de la Chine, ni en concordance avec à sa propre puissance. Par conséquent, selon Sun Xianpu, il convient de concentrer les efforts sur l'établissement d'une influence dans les pays de l'océan Indien, en aidant notamment ces pays à croître. Et peu importe le niveau de résistance que des pays concurrents comme l'Inde et le Japon peuvent y opposer, il revient à la Chine d’intensifier ses efforts pour développer ses liens économiques et commerciaux avec ces pays.
Sun Degang estime que le rapprochement entre les États-Unis et l'Inde démontre à la Chine la nécessité et l'urgence d’une plus grande implication dans les projets portuaires dans la région. Il fait valoir que la Chine doit donc améliorer ses stratégies d'investissement et diversifier ses modèles de coopération en la matière. Elle doit aussi optimiser ses relations bilatérales avec les pays destinataires de ses investissements portuaires, améliorer la manière dont elle communique et la manière dont elle commerce et investit.
Un autre risque croissant est observé unanimement par les auteurs : la sécurité. Tous s’accordent à penser que la Chine sera confrontée à des risques sécuritaires non traditionnels à la complexité croissante, comme la piraterie, le terrorisme et, surtout, l'émergence de l'État islamique dans la région. Sun Degang, par exemple, cite le port de Gwadar, dans la province pakistanaise du Baloutchistan, où les investissements et les citoyens chinois sont menacés par le risque d’attaques terroristes. Sun recommande qu'au niveau régional, la Chine s’appuie sur la création de nouveaux mécanismes et sa participation à certains des mécanismes régionaux existants, comme l'Association des États riverains de l'Océan Indien (IOR-ARC), afin de renforcer sa participation à la gouvernance de la sécurité. Sun estime que, en tant que partenaire de dialogue au sein de l'IOR-ARC, la Chine sera en mesure de renforcer sa coopération avec les pays membres. De plus, suggère Sun, la Chine doit approfondir sa coopération avec des acteurs comme l'Organisation maritime internationale et être active dans la gouvernance de la sécurité et la gestion des risques non-traditionnels dans l'océan Indien.
Sun Xianpu adopte une approche similaire, faisant valoir que, face à ces problèmes de sécurité croissants, la Chine gagnerait à promouvoir la mise en place de mécanismes de sécurité. Ces enjeux non traditionnels de sécurité et le manque d'efficacité des mécanismes de gouvernance régionale se sont révélés criants, fournissant à la Chine une certaine marge de manoeuvre pour combler ces lacunes. Sun pense également que la Chine devrait participer plus activement au mécanisme de gouvernance de la sécurité dans la région de l'océan Indien, représentée notamment par l'IOR-ARC ou le Symposium naval de l'océan Indien. Plus concrètement, la Chine doit s'efforcer, avec d'autres grands pays, à façonner les bases de la gouvernance multilatérale pour s'attaquer à ces questions de sécurité émergentes. Après la mise en place d'une structure régionale de gouvernance en la matière, les pays de l'océan Indien devront être encouragés à prendre activement part à cette gouvernance. L’auteur envisage que cette gouvernance soit, ensuite, progressivement élargie à de nouveaux membres.
Plutôt que de formuler des recommandations très précises, les articles des experts chinois ici étudiés avancent plutôt l’idée d'un engagement croissant dans l’océan Indien, qui reflète l’approfondissement de la présence économique et humaine de la Chine le long des routes commerciales maritimes et les intérêts qu'elle détient dans les ports étrangers. Ces experts s'intéressent surtout aux réactions américains et indiennes suscitées par les activités chinoises et qui freinent en partie leur expansion.
[1] Sun Degang, "The situation of China's participation in Indian Ocean port projects and risk analysis" (中国参与印度洋港口项目的形势与风险分析), Contemporary International Relations (现代国际关系 Xiandai Guoji Guanxi) Vol.7 2017.
[2] Xi Dugang, Liu Jianzhong, Zhou Qiao, Han Zhijun, “Geopolitical risks for the "One Belt One Road” construction in the Indian Ocean"(“一带一路”建设在印度洋地区面临的地缘风险分析郗), World Regional Studies (世界地理研究 Shijie Dili Yanjiu), Vol. 27 No.6 Dec. 2018.
[3] Sun Xianpu, "The process and limits of India-U.S. maritime cooperation - And China's choices to frame an Indian Ocean Policy" (印美海洋合作的进程及限制性因素—兼论中国印度洋政策的路径选择), South Asian Research Quarterly (南亚研究季刊 Nanya Yanji Jikan) No. 1 2018.
Ajouter un commentaire