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13/01/2017

Salaire minimum en Espagne : une urgente nécessité ?

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Salaire minimum en Espagne : une urgente nécessité ?
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Plusieurs économies développées ont pris la décision d'augmenter le montant du salaire minimum obligatoire. C'est le cas du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'État de New York ou de la Californie. Si cette mesure vise toujours à stimuler la consommation par l'augmentation du pouvoir d'achat et à lutter contre le dumping social, son impact sur la croissance et la compétitivité varie selon les pays. Suite de notre saga sur le salaire minimum dans le monde et décryptage des conséquences induites par sa revalorisation en Espagne.

Le gouvernement espagnol a annoncé en décembre dernier une hausse du salaire minimum de 8 %. La plus importante du pays en une seule fois depuis 1986, selon le quotidien El País. Le salaire minimum interprofessionnel (SMI) brut passerait donc de 764 euros à 825,55 euros mensuels, soit une hausse de 61 euros. Malgré cette revalorisation, il demeurera l’un des plus bas d’Europe. En particulier, il restera significativement inférieur à celui de la France qui n’a pourtant augmenté que de 0,6 % en 2015. En effet en 2016, le SMIC brut s’élève à 1 466,62 euros. En outre, le SMIC s’établit sur la base de 35 heures de travail hebdomadaires, alors que la norme est de 40 heures en Espagne. L’écart entre les deux salaires minimum est donc encore plus important sur la base horaire.

La pauvreté des familles : une urgence socio-économique à fort enjeu électoral

La question du salaire minimum s’est trouvée au cœur de la campagne pour les élections législatives espagnoles de juin 2016, qui n’ont pas permis de constituer un gouvernement avant le mois d’octobre faute de majorité.

Le salaire minimum espagnol demeure en effet très proche du seuil de pauvreté établi à 50% du revenu médian national, soit 513 euros. Or, l’article 35.1 de la Constitution espagnole garantit le droit pour tout citoyen espagnol “à une rémunération suffisante pour satisfaire leurs besoins et ceux de leur famille”.

La majorité des candidats aux législatives avaient ainsi inscrit dans leur programme des propositions destinées à amener les revenus des familles au niveau des pays les plus avancés de la zone euro. Pedro Sanchez, candidat du parti socialiste espagnol, affirmait son intention de relever progressivement le salaire minimum interprofessionnel (SMI) à 60 % du salaire moyen d’ici huit ans. Albert Rivera, candidat des centristes de Ciudadanos, prônait quant à lui la mise en place d’un complément de salaire garanti par l’État. Pablo Iglesias, candidat de Podemos, parti d’extrême gauche, portait la même proposition et souhaitait y ajouter un revenu minimum garanti par foyer.

Une mesure politico-budgétaire

L’augmentation du SMI vise à appuyer l’objectif de déficit et de dette pour 2017 et doit s’inscrire dans une politique de relance.

Cette mesure a finalement résulté d’un accord conclu le jeudi 1er décembre entre les socialistes et le Parti populaire au pouvoir. Elle a donc pour principal objectif de faire face à l’urgence sociale du pays et a permis de générer un consensus politique en l’absence de majorité au Parlement. En cela, elle constitue le fondement d’une politique visant à répondre à l’urgence de la situation budgétaire, en tant que contrepartie à l’approbation du plafonnement des dépenses de l’État pour 2017. Paradoxalement, l’augmentation du salaire minimum constitue ainsi le préalable politique indispensable à l’élaboration d’un budget respectant l’objectif de 3,1 % de déficit en 2017 contre 4,6 % en 2016, soit l’un des déficits publics européens les plus importants.

L’Espagne est donc prise en étau entre sa situation économique et sociale propre, contrainte par des mesures de rigueur budgétaire et des dissensions politiques d’une part ; et la pression de Bruxelles vis-à-vis des objectifs de déficit d’autre part.

Quel impact pour la compétitivité ?

Pour passer sous la barre des 3,1% de déficit, le gouvernement espagnol doit réaliser 16 milliards d’euros d’économies sur l’année 2017. Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été décidées.  

Si le taux d’impôt sur les sociétés a été maintenu à 25 %, plusieurs déductions et bonifications sont réduites ou supprimées, comme par exemple la suppression de la possibilité de déduction des pertes affichées par les participations détenues dans des entités résidentes ou non résidentes. Ces mesures permettraient à l’État de récolter 4,3 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2017.

Par ailleurs, les taxes sur le tabac et l’alcool augmenteront respectivement de 2,5 % et de 5 %. Ces hausses s’accompagnent de la création d’un impôt spécial sur les boissons sucrées et gazeuses. Ces mesures permettrait à l’État de récolter 200 millions d’euros supplémentaires en 2017.

Enfin, le gouvernement prévoit d’augmenter les cotisations sociales sur les tranches les plus élevées et de lutter contre la fraude fiscale par de nouvelles mesures, comme le plafonnement à 1 000 euros des paiements en espèces. Ces mesures devraient permettre à l’État de réaliser des économies respectives de 400 et 500 millions d’euros. Cependant, elles viendront augmenter le coût du travail pour les plus hauts salaires, et ce en sus de l’augmentation du salaire minimum dont l’effet sera perceptible sur l’ensemble des bas salaires.

Par Ambre Limousi pour l'Institut Montaigne


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