Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
04/10/2016

Parité dans les conseils d'administration : peut encore mieux faire !

Imprimer
PARTAGER
Parité dans les conseils d'administration : peut encore mieux faire !
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne


D'après une étude du cabinet Russell Reynolds sur la gouvernance des entreprises du CAC 40, rendue publique le 21 septembre dernier, les objectifs fixés par la loi Copé-Zimmermann, à savoir 40 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises du SBF 120 avant janvier 2017 ne seront pas atteints.

Une règlementation récente
La loi Copé-Zimmermann a été adoptée en janvier 2011. Ce texte vise à promouvoir la parité au sein des conseils d'administration et de surveillance via l'instauration de quotas au sein de ces instances. Il prévoit que trois ans après la promulgation de la loi – soit en 2014 –, celles-ci devront compter au moins 20 % de femmes, puis 40 % après six ans – soit en 2017. En cas de non-respect de ces mesures, toute nomination – non féminine – sera considérée comme nulle. Cela entraînera également une sanction financière avec une suspension possible des "jetons de présence".

Un premier bilan en demi-teinte

Selon les premières enquêtes, la loi Copé-Zimmermann a eu un impact notable sur la féminisation des conseils d'administration. Ainsi, en 2011 et 2012, 44,4 % des administrateurs nommés étaient des femmes pour les compartiments A et B, tandis qu'elles étaient 46 % en compartiment C*. De ce fait, le premier pallier de 20 % de femmes a pu être atteint rapidement. Toutefois, le second, 40 % à l'horizon 2017, s'avère plus difficile à concrétiser. En effet, Marc Sanglé-Ferrière, DG de Russell Reynolds France juge qu’il est impossible pour les entreprises de se mettre en conformité avec la loi en (seulement) cinq ans. Par ailleurs, une autre difficulté réside dans le fait que les femmes sont censées remplacer des administrateurs masculins. Or, dans la pratique, se séparer d'un administrateur expérimenté et engagé au profit d'un nouvel arrivant qu'il faudra nécessairement mettre à niveau est souvent jugé compliqué par les entreprises. Enfin, il est intéressant de noter qu'un biais subsiste dans la nature des fonctions occupées par les femmes au sein des conseils d'administration : ainsi, elles y occupent majoritairement des fonctions de représentant des salariés ou ont un statut d’administrateur indépendant alors que leurs collègues masculins restent plus souvent des représentants des actionnaires.

Où en est-on de la parité dans la fonction publique ?

Les femmes occupent actuellement 40% des postes de direction dans les corps et emplois de catégories A+ dans la fonction publique, un chiffre  qui correspond aux objectifs fixés par la loi Copé-Zimmermann.  Si l’État est parvenu à féminiser les postes de direction dans la fonction publique, la parité demeure inachevée. Dans sa note "Hautes fonctionnaires, l'État doit montrer l'exemple", l’Institut Montaigne formule des propositions concrètes pour y parvenir:

•    faire de la stricte parité la norme pour les nominations qui dépendent directement de l'exécutif ;

•    alterner femmes et hommes à la vice-présidence du Conseil d’État, à la présidence de la Cour des comptes et à la direction de l’Inspection générale des finances.

Quelles initiatives en Europe pour la féminisation des conseils d'administration ?

La Commission Européenne a tenté, en 2012, d'imposer un quota de 40 % de femmes minimum au sein des conseils d'administration, mais neuf États-membres s'y sont opposés. Aujourd’hui, seulement douze États-membres ont introduit des mesures promouvant la parité au sein des conseils d'administration, dans dix autres États ces mesures sont uniquement incitatives mais non contraignantes, tandis que dans dix autres États il n'existe ni mesures législatives ni mesures incitatives.

La Norvège, pionnière en la matière
En 2003, la Norvège devient le premier pays au monde à instaurer un quota de 40 % de femmes dans les conseils de surveillance des entreprises. Même si les entreprises disposent alors de quatre ans pour s'adapter à cette nouvelle législation, son efficacité repose sur des sanctions strictes en cas de manquement pouvant aller jusqu’à la dissolution de l'entreprise ! Les organisations patronales ont été étroitement associées à ce processus et ont élaboré un programme de formation pour les femmes afin de faciliter leur intégration aux conseils d'administration. Quelques années après son adoption, la mesure semble porter ses fruits : dès 2009, les conseils d'administration comptent 40% de femmes, et la réforme ne suscite pas d’opposition au sein de la société norvégienne. Pour autant, des progrès peuvent encore être accomplis, car les hommes occupent toujours majoritairement les présidences des conseils, et seulement 2 % des directeurs d'entreprises cotées en bourse sont des femmes.

L'Allemagne cherche à rattraper son retard
En 2014, l'Allemagne a pris des mesures afin de favoriser la parité dans les organes de gouvernance des grandes entreprises. Depuis 2016, les conseils de surveillance des entreprises cotées en bourse doivent compter au moins 30% de femmes, sous peine de voir les sièges non pourvus rester vacants. En outre, un peu plus de 3 500 entreprises allemandes de taille moyenne, cotées en bourse, devront définir à leur convenance un pourcentage minimum de femmes représentées dans les organes de gouvernance. Toutefois, un an après son adoption le bilan de cette loi reste modeste : l'objectif de 30 % de femmes siégeant dans les conseils d'administration n'est pas atteint. Les entreprises de taille moyennes, invitées à fixer des objectifs en la matière, présentent un bilan tout aussi contrasté : seulement 60 % des entreprises ayant fixé une feuille de route. Le changement attendu n'a donc pas (encore) eu lieu et il est probable que le législateur doive statuer à nouveau sur la question.


Pour aller plus loin
Consultez la note : "Hautes fonctionnaires, l'Etat doit montrer l'exemple"
Relisez les billets de blog :

Egalité hommes-femmes : des avancées encourageantes mais encore loin de la parité
Les objectifs chiffrés : un levier efficace pour la parité
Hautes fonctionnaires, l’Etat doit montrer l’exemple !

Les différents compartiments correspondent aux montants des capitalisations boursières des entreprises)
A= capitalisations boursières supérieures à 1 milliard d’euros
B= capitalisations comprises entre 150 millions et 1 milliard d’euros
C= capitalisations inférieures à 150 millions d’euros


Un billet d'Amélie Reichmuth pour l'Institut Montaigne

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne