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20/09/2016

Comment réussir sa rentrée en primaire ?

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Comment réussir sa rentrée en primaire ?
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

À huit mois du premier tour de l'élection présidentielle, la campagne pour la primaire de la droite et du centre s'ouvre officiellement ce mercredi 21 septembre. La Haute Autorité, entité ad hoc dont la mission consiste à organiser ces élections, a annoncé officiellement les sept candidatures retenues pour cette première édition de primaires ouvertes organisées à droite.

Les primaires de la droite et du centre auront-elles une contribution positive à la vie politique française ? La question semble légitime, alors que le système continue de susciter bon nombre de critiques : pour ses détracteurs, ce type d’élection ne constitue qu’un artifice politicien dont l’ambition s’inscrirait en faux avec le désir de rénovation du paysage politique que les Français font valoir. Pourtant, la primaire peut être un outil précieux au service de la relégitimation démocratique : comment s’assurer que cette innovation politique rénove en profondeur le paysage politique de notre pays ? Dans l’ouvrage Les primaires pour les nuls, paru en avril 2015 sous la direction d’Olivier Duhamel, l’Institut Montaigne formule dix propositions à cette fin, qui répondent de quatre principes : honnêteté, pluralité, équité et délibération.

primaire_oj__1_.pngLe principe d’honnêteté

Le principe d’honnêteté vise à garantir la confiance des citoyens dans la régularité du suffrage. Ce qui vaut pour les élections présidentielles doit valoir pour les primaires, et notamment en ce qui concerne la sincérité et le secret du vote. Aussi faudra-t-il attendre la fin du second tour de l’élection, le 27 novembre, pour apprécier effectivement la contribution des primaires de la droite et du centre à la vie démocratique de notre pays. Il est certain que toute irrégularité qui serait constatée entacherait durablement la réputation des primaires dans notre démocratie. Cependant, l’honnêteté de l’élection ne sera pas jugée sur la seule fiabilité technique et logistique des opérations des 20 et 27 novembre prochains. La gouvernance du parti organisateur ne saurait évidemment déterminer les résultats des primaires, tenues à l’initiative et sous le contrôle du parti Les Républicains (LR) : elle ne peut être à la fois juge et partie de l’élection. C’est la crédibilité de toute la famille politique qui est en jeu. Nous recommandons ainsi d’institutionnaliser, pour tout processus de cette nature, une Haute Autorité de la primaire, indépendante du parti, qui puisse notamment contrôler la régularité du vote. Cette entité devra également instaurer un financement indépendant du parti afin de garantir l’équité entre les candidats à la primaire.

Primaire_2_ok_ok__1_.pngLe principe de pluralité

Les primaires constituent une avancée démocratique en ceci qu’elles donnent aux citoyens la liberté de choisir celui qui portera leur voix lors de l’élection présidentielle. Il semble donc nécessaire qu’y figure la pluralité des voix existant au sein d’une famille politique. Afin que les primaires remplissent pleinement cette fonction, l’accès aux candidatures répond donc à une double exigence de restriction et d’ouverture : restriction, pour garantir une compétition centrée sur les meilleurs candidats ; ouverture, pour assurer la diversité des points de vue.

Pour la primaire de la droite et du centre, cette exigence de restriction prend la forme de conditions à remplir pour que les candidatures soient retenues. Ainsi des parrainages politiques, établis sur le modèle des seuils valant pour l’élection présidentielle : les soutiens d’au moins 250 élus, dont 20 parlementaires répartis sur 30 départements, sont requis. À ces parrainages politiques s’ajoutent les parrainages civils d’au moins 2 500 adhérents du parti.

La combinaison de ces deux parrainages répond d’une logique d’ouverture inhérente aux primaires : si les parrainages des élus garantissent un soutien politique aux candidatures des prétendants à l’investiture républicaine, les parrainages des adhérents doivent assurer la popularité des candidatures parmi la base électorale. L’Institut Montaigne recommande également de favoriser l’apparition de candidatures qui bénéficient d’une forte popularité, afin que les primaires ne soient pas verrouillées par les appareils de parti et que des candidatures issues de la société civile apparaissent plus régulièrement dans le paysage politique français.

Dans le cadre de la primaire de la droite, en revanche, les parrainages civils sont nécessaires mais pas suffisants en soi car ils ne permettent pas aux candidats déclarés de s’affranchir du filtre des parrainages politiques. En conséquence, l’appareil politique continue de réguler l’accès des personnalités issues de la société civile à la candidature aux primaires.

Enfin, la pluralité ne réside pas seulement dans l’ouverture à un panel de candidats plus varié, mais également dans l’ouverture au plus grand nombre d’électeurs. Sur le modèle des primaires socialistes de 2011, les Républicains ont choisi de donner la possibilité à tous les citoyens inscrits sur les listes électorales de voter, moyennant la participation de deux euros pour chacun des deux tours. Plus de 10 000 bureaux de vote seront déployés sur le territoire et la possibilité sera donnée aux Français de l’étranger de voter par internet.

Copie_de_Primaire_2_ok_ok__1_.pngLe principe d’équité

L’équité entre les candidats doit être assurée, tant sur le plan financier que sur le plan médiatique. L’équité financière doit être garantie par le contrôle des dépenses exercé par la Haute Autorité, qui fixe des seuils également dérivés de ceux valant pour l’élection présidentielle. Ces mesures permettent d’encadrer les dépenses et de garantir une compétition saine entre les différents candidats. Nous proposons à cette fin un ensemble cohérent de règles qui permettraient également d’inciter les candidats à la plus grande transparence en la matière. De même, afin de prévenir la confusion entre les dépenses réalisées pour le parti et celles réalisées pour un candidat, nous recommandons qu’un président de parti organisant des primaires, s’il souhaite se présenter, démissionne six mois avant le premier tour de ces élections et qu’il cède la direction du parti à un collège jusqu’aux résultats du scrutin.

L’équité dans les médias s’oppose notamment à l’égalité qui prévaut au moment de l’élection présidentielle. Nous proposons de laisser les partis organisateurs et les médias qui s’associent à la médiatisation des débats fixer les règles comme ils le souhaitent. Ils pourront à cet effet s’inspirer des recommandations du CSA pour déterminer les temps de parole attribués à chaque candidat tout en aspirant à intéresser le plus grand nombre de citoyens. En cela, l’équité médiatique doit permettre une plus forte implication des citoyens dans le débat démocratique.

Primaire_4_ok_ok__1_.pngLe principe de délibération

Ce dernier principe rend particulièrement compte des bénéfices attendus des primaires. Afin que cette innovation politique favorise le débat d’idées plutôt que la lutte des égos, il est nécessaire que des échanges publics soient prévus entre les candidats. À cette fin, nous recommandons d’organiser au minimum un débat entre l’ensemble des candidats, auquel pourraient s’ajouter des débats thématiques ou ne concernant qu’un nombre restreint de prétendants à l’investiture. La primaire de la droite et du centre donnera elle lieu à trois débats, d’abord le 13 octobre sur TF1, puis le 3 novembre sur BFM et i-Télé et enfin le 17 novembre sur France télévisions.

Enfin, le meilleur moyen dont dispose la société civile pour s’assurer que les primaires contribuent à la dynamisation de notre démocratie réside dans sa capacité à prendre part au débat. Plus la société civile se mobilisera lors de ces nouvelles périodes électorales, plus tôt elle prendra prise sur l’échéance majeure de la vie politique française que constitue l’élection présidentielle.

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