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13/10/2015

Investissement dans l’apprentissage : oui, mais peut (tellement) mieux faire !

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Investissement dans l’apprentissage : oui, mais peut (tellement) mieux faire !
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable


Cela n'était plus arrivé depuis 2012 : le nombre de signatures de contrats d'apprentissage est reparti à la hausse entre juin et août 2015 (+6,5% par rapport à 2014 sur la même période). Le Ministère du Travail a imputé cette évolution au « plan relance de l'apprentissage et la création de l'aide aux jeunes apprentis ouverte depuis le 1e juin » qui auraient, selon un communiqué, « redonné confiance aux entreprises » et produit des résultats encourageants. Si cet effort d'investissement doit être encouragé, une réforme en profondeur de notre modèle d'apprentissage est urgente, car c'est un levier qui a fait ses preuves, notamment en Allemagne, pour former les jeunes et assurer aux entreprises un recrutement de qualité.

Pourquoi cibler en priorité les TPE ?

La nouvelle aide en direction des TPE vient d’être inscrite dans le projet de lois de finances 2016 pour un montant avoisinant les 220 millions d’euros. Concrètement, cette mesure permet à toutes les TPE qui recrutent des apprentis mineurs de recevoir une aide trimestrielle de 1 100€ de la part de l’État pendant la première année de leur contrat, en sus des différents mécanismes d’incitation existants.

En Allemagne – où le taux de chômage de jeunes n’est que de 8% (contre 25% pour les jeunes français) – l’effort réalisé par les entreprises pour accueillir des apprentis est plus uniformément réparti dans l’ensemble du tissu économique. En France, il est majoritairement le fait des TPE. Il concerne en revanche moins de 1% des effectifs dans les entreprises de plus de 50 salariés.

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Pourquoi se concentrer sur les mineurs ?

Le dispositif propose de concentrer les aides sur les apprentis mineurs (16-18 ans) au moment de la signature du contrat. La proportion de mineurs à la signature d’un contrat d’apprentissage est de 40% en France, contre 27% en Allemagne. En effet, contrairement aux idées reçues, l’âge d’entrée en apprentissage est élevé pour les allemands : d’une part parce que les élèves sortant à  16 ans du premier cycle (Real- et Hauptschule) peinent à trouver immédiatement une place en apprentissage et passent par diverses formes de préparation à l’apprentissage pendant un à trois ans, d’autre part parce qu’une partie des jeunes consacrent un an à leur service militaire ou civil, et enfin parce que les bacheliers (d’un âge minimum de 18 ou 19 ans selon les Länder) sont plus nombreux que les bacheliers français à passer par cette voie.

En France, l’apprentissage est aujourd’hui polarisé aux deux extrémités des niveaux de qualification (CAP infra-bac et enseignement supérieur). A fortiori, le dispositif proposé devrait donc rajeunir encore les effectifs français tout comme renforcer la proportion d’apprentis peu qualifiés, alors qu’ils représentent déjà plus de 40% des apprentis français. L’apprentissage est outre-Rhin une voie incontournable pour l’accès à la plupart des métiers d’employés et d’ouvriers qualifiés en Allemagne : il existe ainsi une liste de plus de 300 professions dont la formation initiale ne peut être accomplie que par la voie de l’apprentissage.

Pourquoi ne limiter cette aide qu’à une année ?

Cette aide ne sera valable que pour la première année du contrat. Or, en France, 40% des contrats d’apprentissage sont établis pour une durée inférieure ou égale à un an. Difficile, dans ces conditions, de ne pas assimiler l’apprentissage à un « super-stage » plutôt qu’à un investissement de formation à long terme. Inversement, la durée moyenne d’un apprentissage en Allemagne est de trois ans, ce qui pousse les entreprises à vouloir rentabiliser leur investissement. En conséquence, 66% des apprentis allemands sont pré-embauchés à l’issue de leur contrat, contre 33% pour leurs homologues français.

Au global, la France consacre environ trois fois plus de dépenses publiques par apprenti que l’Allemagne, où ce sont les entreprises qui supportent in fine un coût beaucoup plus important. En comparaison, les pouvoirs publics allemands n’aident donc financièrement que très peu les entreprises à recruter des apprentis.

>> 5 différences avec la France

Retrouvez la réforme du dispositif d’apprentissage dessinée par Bertrand Martinot dans L’apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes (mai 2015).


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