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02/10/2014

Inverser la courbe des moyens alloués à notre système éducatif

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Inverser la courbe des moyens alloués à notre système éducatif
 Fanny Anor
Auteur
Ancienne chargée d'études senior

Les statistiques recueillies lors des journées "défense et citoyenneté" montrent que 20 % des jeunes ne parviennent pas à lire un programme de télévision et que 14 % d'entre eux ont un vocabulaire lacunaire et ce alors qu'ils ont passé onze ans sur les bancs de l'école. Sur les 150 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification, 80 % de ces "décrocheurs" étaient déjà en difficultés au CP. Alors que ce constat appelle la mise en place précoce de dispositifs, l'OCDE, dans l'édition 2014 de son rapport Regards sur l'éducation, souligne l'importante disparité ? en termes de moyens humains et financiers ? entre le pré-primaire / le primaire et le secondaire dans le système éducatif français.

Des taux d’encadrement deux fois plus élevés au lycée qu’en maternelle

En France, les taux d’encadrement – et donc le nombre d’élèves par enseignant – sont deux fois plus élevés au lycée qu’en maternelle. Si on peut lire une partie de cet écart au prisme de la multiplication des disciplines et des options (et donc des professeurs) dans le secondaire, il est important de souligner que le profil de la France, à cet égard, est assez atypique parmi les pays de l’OCDE.

Ainsi, alors qu’en maternelle le nombre d’élèves par enseignant est de 14 en moyenne dans les pays l’OCDE, il atteint 22 élèves en France… notre pays se classant ainsi antépénultième des pays de l’OCDE. (1)

Une courbe de financement à rebours des enseignements de la recherche

La disparité est également forte pour les moyens financiers investis.

Ainsi, en 2012, la dépense moyenne par élève représentait 5 790 euros en maternelle et 6 060 euros en primaire contre 11 310 euros en lycée général et technologique. (2)

Ce différentiel très important est également propre à la France. Ainsi, l’OCDE relève que "les dépenses par élève du secondaire sont 20 % plus élevées en France que la moyenne de l’OCDE (11 109 (dollars), contre 9 280 (dollars) en moyenne), tandis que celles par élève du primaire sont inférieures de 20 % à la moyenne de l’OCDE (6 917 (dollars), contre 8 296 (dollars) en moyenne) (…) rapportées au nombre d’élèves scolarisés dans le préprimaire, les dépenses par élève sont inférieures (6 615 (dollars)) à la moyenne de l’OCDE qui est de 7428 dollars(3). »

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Source : OCDE, Regards sur l’éducation 2014. Les indicateurs de l’OCDE, p. 226.

De nombreux travaux signalent pourtant que la pédagogie et les moyens déployés durant la petite enfance – période cruciale pour l’acquisition des apprentissages fondamentaux – sont déterminants. Le colloque "La petite enfance : clé de l’égalité des chances", organisé le 12 septembre dernier par la CNAF, l’Institut Montaigne et Terra Nova, a rappelé la nécessité d’ériger la petite enfance au rang de priorité de nos politiques éducatives. En effet, les études de menées par James J. Heckman, prix nobel d’économie, ont démontré que la meilleure façon de réduire les inégalités scolaires et sociales est d’intervenir dès la petite enfance.

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Source: James J. Heckman, “The Case for Investing In Dasadvantages Young Children”, 2008.

Dans son rapport, Vaincre l’échec à l’école primaire, l’Institut Montaigne plaidait déjà pour un nécessaire rééquilibrage de la courbe de financement de notre système scolaire. Le constat que nous formulions en 2010 et en 2012 est toujours d'actualité : "Dans un contexte de ressources budgétaires rares, les possibilités de réallocation devraient être engagées du secondaire supérieur (le lycée) vers l’école primaire et la maternelle notamment. Miser sur le début de la scolarité permettrait d’obtenir les plus grands bénéfices. Une redistribution des moyens doit être envisagée de façon urgente"(4).

Il est évident que le défi de la réussite scolaire et de l’égalité des chances ne pourra être relevé sans un véritable rééquilibrage des moyens alloués en direction du préprimaire et du primaire.

(1) Nombre moyen d’élèves par enseignant :
- Maternelle : 22 (moy.OCDE : 14)
- Primaire : 19 (moy.OCDE : 15)
- Collège : 15 (moy.OCDE : 14)
- Lycée : 10 (moy.OCDE : 14)
Source : OCDE, Regards sur l’éducation 2014. Les indicateurs de l’OCDE, p.476.

(2) Dépense moyenne par élève en 2012 :
- Maternelle : 5 790 €
- Primaire : 6 060 €
- Collège : 8 410 €
- Lycée général ou technologique : 11 310 € / Lycée professionnel : 11 960 €
- Université : 10 940 €
- CPGE : 15 020 €
Source : ministère de l’Éducation nationale, L’éducation nationale en chiffres, 2013.

(3) OCDE, Regards sur l’éducation 2014. Les indicateurs de l’OCDE, op.cit.

(4) Institut Montaigne, Contribution à la concertation sur l'école: priorité au primaire, note, juillet 2012.

Pour aller plus loin
Consulter la note, Contribution à la concertation sur l'école: priorité au primaire, juillet 2012.
Consulter le rapport, Vaincre l’échec à l’école primaire, avril 2010.

Revoir
Vidéo de l’ouverture du colloque « La petite enfance : clé de l’égalité des chances », par Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne
La Minute Montaigne – La France fabrique de l'inégalité sociale par Laurent Bigorgne
Interview de Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, par Marie-Christine Corbier, parue dans Les Echos du 3 décembre 2013.

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