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12/10/2010

Ethno-racial : une expression plus que douteuse

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Ethno-racial : une expression plus que douteuse
 François Rachline
Auteur
Directeur général de l'Institut Montaigne de 2009 à 2010

Une expression vient peu à peu au goût du jour : ethno-racial. On la retrouve dans le langage politique, dans le langage journalistique, dans le langage courant. Comme s’il allait de soi d’invoquer des comportements "ethno-raciaux" ou de rechercher des critères "ethno-raciaux".

De deux choses l’une : ou bien il s’agit d’un de ces tics d’aujourd’hui, comme aller "sur Paris" et non "à Paris" ou "être en charge de" au lieu de "chargé de" ; ou bien la terminologie employée révèle une approche sociale sous-jacente. Dans le premier cas, il ne faut pas trop s’émouvoir. Dans le second, il est impératif d’agir, au plus vite. Non à l’égard du vocable "ethno", qui ressortit à l’idée de tribu, de groupe, de peuplade, d’une communauté d’individus liés par une langue et par une culture, mais à l’encontre de celui de "race". Comme le rappelle Montaigne : "De toutes choses les naissances sont faibles et tendres. Pourtant faut-il avoir les yeux ouverts aux commencements ; car comme lors en sa petitesse on n’en découvre pas le danger, quand il est accru on n’en découvre plus le remède". Le danger, ici, est bien le racisme.

Si, comme nous le pensons, derrière les mots se cachent des idées, le terme de "racial" mérite d’être rapidement éliminé pour stopper la gangrène qui couve. Non par déni de réalité, mais justement par souci d’objectivité. Pour éviter par surcroît d’associer une considération anthropologique (ethno) à une notion biologique (raciale).

Certes, la notion de "races" est encore utilisée, notamment aux Etats-Unis, quand il est question d’êtres humains. Ce n’est pas une raison pour reprendre à notre compte un concept qui s’applique parfaitement aux animaux, dont la science a démontré qu’il ne signifie rien pour les hommes. En effet, si pendant longtemps certains ont pu proclamer des subdivisions en races, quels que soient les critères retenus, et malgré la faiblesse de ces derniers, la biologie écarte désormais ces classifications naïves au profit de définitions rigoureuses. Les chevaux, par exemple, appartiennent à la race chevaline, mais une jument qui copule avec un âne (lequel relève des équidés, comme les chevaux, les onagres et les zèbres, mais n’appartient pas à la même race que les chevaux) donnera naissance à un mulet, stérile. De la même manière, des tigres copulant avec des lions pourront mettre au monde des individus, mais ceux-ci ne seront jamais féconds. Autrement dit, dans l’ordre des mammifères, il existe de nombreux sous-ordres donnant des races (porcine, chevaline, canine, etc.), mais les hommes, eux, forment une espèce, c’est-à-dire un ensemble d’individus interféconds donnant naissance à des individus fertiles. Aucune femme, aucun homme ne peut être exclu de cet ensemble (bien sûr, on peut être stérile, mais cela n’est pas dû au caractère humain). Le concept de race est donc inapplicable aux êtres humains. Mieux vaut cesser une fois pour toutes d’employer un terme fallacieux.

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