Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
05/10/2010

Pour un emprunt franco-allemand

Imprimer
PARTAGER
Pour un emprunt franco-allemand
 François Rachline
Auteur
Directeur général de l'Institut Montaigne de 2009 à 2010

Commentaire de François Rachline publié aujourd'hui dans "Les Echos". Cette chronique paraîtra tous les premiers mardis de chaque mois.

L'Europe ne se réduit pas au couple franco-allemand, mais, sans ce bloc-moteur, elle n'existe plus. Ensemble, les deux pays représentent près de 50 % du PIB européen. Autant dire que rien ou presque n'est possible sans eux, que tout le devient s'ils marchent main dans la main. Il faut donc travailler à resserrer leurs liens. Même s'ils entretiennent des rapports complexes, les deux plus gros membres de l'Union demeurent complémentaires.

Une amie allemande m'a posé tout récemment la question suivante : de quel côté se trouve la France ? Comme je feignais de ne pas comprendre, elle précisa : rigueur ou laxisme ? Je lui répondis que la posture germanique actuelle ne favorisait pas les rapprochements au sein de l'Union. Elle me rétorqua ceci, en substance : si aucune mesure sérieuse n'est engagée, l'endettement de l'Hexagone atteindra 100 % du PIB en 2013. Cela mettra en péril l'équilibre européen. Quand la France sera-t-elle gagnée par les vertus allemandes ?

A ce raisonnement, opposons une autre logique. Est-il possible de produire collectivement de la croissance avec de la rigueur ? Non. De stimuler l'activité avec de l'austérité ? Non. Retirez l'Union européenne du G20, il vous restera 70 % du PIB mondial : est-il concevable d'aller à l'encontre d'une telle majorité sans risquer la déconfiture ? Non. En même temps, les pays du Vieux Continent peuvent-ils continuer à augmenter leurs déficits publics, qui nourrissent chaque année davantage leur endettement ? Non.

Alors, penserez-vous, comment faire pour concilier les nécessaires désendettements souverains et l'impératif de croissance ? Seule cette dernière permettra, ne serait-ce qu'un peu, d'alléger le poids de ceux-là. Pour éviter que le mur de la dette ne se transforme en mur tout court, le contrôle des dépenses s'impose donc, sans excessive brutalité cependant.

Comment dès lors éviter le risque d'une paupérisation relative ? En effectuant, à l'échelle européenne, des investissements d'infrastructure, de connaissance, d'éducation, déterminants pour l'activité. Dans la théorie, cela s'appelle la croissance endogène. Dans la pratique, il s'agit de dépenses qui stimulent la compétitivité, la mobilité, la productivité, c'est-à-dire tout ce qui peut contribuer à l'amélioration du niveau de vie de la population.

Une bonne solution consiste à se doter d'un instrument spécifique pour financer des projets consacrés au développement de l'Union. En s'appuyant d'abord sur l'Allemagne et la France. Lors du sommet franco-allemand de janvier 2010 à Paris, quatre-vingts projets communs n'ont-ils pas été listés ? Imaginons une seule obligation émise et garantie par les deux Etats, avant d'élargir le système à d'autres membres. Les fonds levés permettraient, par exemple, de construire une ligne de TGV transeuropéenne. Le taux d'emprunt de cet eurobond serait très proche des taux allemands. Pourquoi ? Parce que Berlin ne serait plus une garantie de bonne fin ex post, comme c'est le cas aujourd'hui, mais solidairement responsable ex ante. Les deux Etats auraient ainsi un droit de regard réciproque sur leurs engagements. Quant au rapport de force avec les marchés financiers, il se modifierait sensiblement, les emprunteurs n'étant plus en concurrence pour obtenir de nouveaux moyens financiers.

Le plus long voyage comme le plus petit déplacement commence toujours par un premier pas, rappelle un proverbe chinois. Souhaitons que l'eurobond soit celui d'une nouvelle ère franco-allemande au profit de l'idée européenne.

En savoir plus :
Pour un Eurobond - Une stratégie coordonnée pour sortir de la crise
(Institut Montaigne, février 2010)
Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne