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17/08/2009

Du long terme pour les bonus

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Du long terme pour les bonus
 François Rachline
Auteur
Directeur général de l'Institut Montaigne de 2009 à 2010

Les banques continuent de provisionner des milliards pour verser des rémunérations variables à leurs meilleurs traders. Le principe des primes n’est pas en cause, leur montant, si.

Voici ce qu’écrivait l’Institut Montaigne à la mi mars 2009 avant le G20 de Londres (2 avril). Nous ne retirons pas une seule ligne.

Ce comportement invite à ouvrir une réflexion sur le bien-fondé comme sur l’efficacité du système d’incitations en vigueur sur les marchés financiers. Un débat commence à s’ouvrir sur la légitimité même de ces rémunérations variables, qui, vues depuis le monde de l’entreprise, paraissent insensées et disproportionnées. Signe et facteur de déséquilibres économiques et sociaux, ces rémunérations variables ne doivent-elles pas être purement et simplement abolies ? Ne faut-il pas plafonner le niveau de rémunération des opérateurs de marché ?

Lisser performance et rémunération sur le long terme
L’Institut Montaigne propose que les institutions financières octroient des primes à leurs employés, mais exclusivement sur le long terme. Le système de carried interest donne un exemple d’intéressement à la performance sur le long terme, en même temps qu’il permet un alignement des intérêts des gestionnaires du fond, et des investisseurs :

• cette rémunération est calculée sur la performance réalisée des fonds ;
• les gestionnaires ne commencent généralement à recevoir du carried interest qu’après que la performance du fonds a déjà permis aux investisseurs de recevoir un intérêt prédéfini sur leur investissement ;
• cette rémunération permet un engagement à long terme des gestionnaires puisque, par construction, le carried interest ne commence à être versé qu’en fin de vie du fonds et jusqu'à sa clôture (4, 5, 6, 7 ans après le démarrage du fonds) ;
• un gestionnaire quittant la société avant la liquidation du fonds perd tout ou partie du bénéfice des futures distributions de carried interest ;
• le gestionnaire est d’autant plus attentif à la performance du fonds et à ne pas prendre de risque inconsidéré qu’il a a priori investi lui-même dans le fonds pour pouvoir bénéficier du carried interest.

Ce système permet donc un réel engagement à long terme du manager. Le fait qu’il soit effectivement en position risquée sur son patrimoine personnel permet de limiter le niveau de risque qu’il fait prendre à ses clients et à ses investisseurs, et plus globalement au système.

D’autres initiatives ont été récemment prises par les banques d’affaires elles-mêmes, notamment UBS et Morgan Stanley, visant à encourager des systèmes de bonus-malus et de clawbacks (mécanisme permettant de récupérer tout ou partie des sommes versées). Nous estimons que ces systèmes de rémunérations, au lieu d’être cantonnés à quelques activités d’investissement, mériteraient d’être étendus à l’ensemble des professions financières, et de façon urgente aux professions des activités de marché. Le montant du patrimoine personnel mis en jeu pourrait aussi être corrélé au montant de l’endettement et du risque que l’opérateur fait subir à son institution ou à ses clients.

Ces dispositions seraient d’efficaces garde-fous pour les institutions comme pour le système financier. Elles permettraient enfin de faire émerger une nouvelle génération de financiers, plus "entrepreneurs" voire plus responsables, car capables de prendre des risques pour eux-mêmes plutôt que de les faire prendre aux autres. La crise actuelle fournit l’occasion de généraliser leur application.

En savoir plus :
Reconstruire la finance pour relancer l’économie (Institut Montaigne, mars 2009)

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