- Raisonner en termes de "gestion du conflit" plutôt que de "négociations" : le risque principal dans l’état actuel des choses serait que le Kremlin prenne l'initiative d’une offre de négociation comportant un cessez-le feu immédiat. Une telle initiative entrerait dans la logique d'une "pause" avantageuse pour l'armée russe et augmenterait les risques de division parmi les soutiens à l’Ukraine. Dans ce sens, les "appels à la négociation" ont toute chance d’être contreproductifs.
Pour autant, l'existence ou le développement de canaux de dialogue avec Moscou paraissent a priori utiles. Notamment s'ils permettent de traiter moins la "fin de partie" du conflit que la "gestion" de celui-ci, par exemple les bornes que de part et d’autre il convient de respecter pour éviter une escalade incontrôlée. C'est apparemment ce qui a fonctionné pour l’aspect nucléaire et qui pourrait aussi réduire les risques dans d'autres domaines (extension géographique du conflit, sécurité énergétique ou alimentaire, autolimitations réciproques dans la guerre hybride par exemple). C'est peut-être ce que le président Macron a en tête lorsqu’il multiple les appels à la Chine pour que celle-ci joue un "rôle de médiation" ;
- Structurer la concertation entre l’Ukraine et ses principaux alliés : des contacts multiples existent évidemment à plusieurs niveaux entre les Ukrainiens, les Américains et les Européens. Le moment est peut-être venu de conférer un caractère plus structurel - y compris au niveau des chefs d’État et de Gouvernement - à cette concertation, dans un format regroupant par exemple le Quad (Allemagne, France, États-Unis, Royaume-Uni), l’Ukraine et la Pologne + le SEAE (service d’action extérieure l’UE).
Une telle structure permettrait de penser cette question des "négociations éventuelles" dans de meilleures conditions qu'aujourd’hui ; d'une part, si les Ukrainiens doivent être les décideurs de dernier ressort, ils peuvent avoir intérêt à partager le fardeau du choix du moment et des modalités d'une sortie de la guerre tandis que leurs soutiens ont aussi des intérêts à défendre ; d'autre part, comme l'a montré l'incident du missile ukrainien tombé en Pologne, de futurs développements risquent de tester l’unité de vue des gouvernements les plus impliqués.
- Une interrogation : Kherson peut-il constituer un précédent ? Nous nous avançons là en terre inconnue, en observant qu'à Kherson une forme d’entente tacite semble avoir prévalu entre Russes et Ukrainiens, les premiers sachant depuis des semaines qu'ils ne pourraient tenir la position, les seconds ayant vu l'intérêt de différer (et finalement de s'épargner) une offensive de vaste envergure qui aurait été très coûteuse pour eux.
N'y a-t-il pas eu là une forme de "gestion du conflit" entre les deux parties qui pourrait se reproduire ailleurs ? N'y-t-il pas là une incitation à envisager la question de la Crimée - si cruciale (à tort ou à raison) dans l'approche des Occidentaux - autrement qu'en termes binaires comme on le fait en général ?
Copyright : Andrew Harnik / POOL / AFP
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