L’avenir de Bachar al-Assad à la tête du régime : une question centrale
Le régime de Bachar al-Assad a eu recours à de nombreuses reprises à l’usage de la force (attentats, assassinats). Par ailleurs, il s’est appuyé sur une tactique consistant à favoriser la prise de contrôle de la rébellion par le terrorisme islamique. Au cours du conflit, il a bénéficié du soutien militaire effectif de ses principaux alliés que sont le Hezbollah libanais, l’Iran et ses milices et la Russie.
Dans ces conditions, aucune stabilisation réelle ne peut intervenir sans une éviction de Bachar al-Assad et de ses principaux associés. Cela est d’autant plus vrai qu’il est probable que le régime estime actuellement avoir besoin d’une poursuite de la guerre pour se maintenir. Cependant, les raisons même qui rendent l’éviction de Bachar al-Assad indispensable en font une opération très difficile. Si ce départ n’est pas provoqué par de fortes pressions extérieures, il ne peut s’inscrire que dans une transition négociée, pratiquement antinomique avec la nature sécuritaire et mafieuse du régime.
La chute d’Alep (décembre 2016) : le scénario d’une “paix russe”
La chute d’Alep, l’affaiblissement de la rébellion nationaliste, et le retournement stratégique turc (dont la priorité est actuellement l’endiguement des forces kurdes et non l’engagement d’un processus de transition politique à Damas) ont permis à la Russie d’avancer une proposition de cessez-le-feu sous parrainage russo-turco-iranien. Un tel scénario de règlement politique préservant de facto le régime d’Assad a paru près d’aboutir au début de l’année 2017. Une "paix russe" aurait pu être l’issue la plus probable du conflit.
Ce projet s’est toutefois heurté à des résistances du régime, désireux de reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire, et de l’Iran, pour qui Bachar al-Assad est une carte déterminante.
Les frappes américaines du 6 avril 2017, une possible opportunité de mettre fin à une guerre sans fin ?
La campagne du candidat Donald Trump et ses premières déclarations de président ont pu laisser penser que les Etats-Unis pourraient accepter un maintien au pouvoir de Bachar al-Assad. Les frappes du 6 avril mettent à présent en question ces hypothèses. Elles permettent la réouverture d’un dialogue russo-américain, voire la possibilité d’un scénario de "pilotage russo-américain" du conflit.
L’engagement massif de l’Iran en Syrie demeure un obstacle majeur à une "paix russe" ou à une "solution russo-américaine". Les Américains et leurs alliés régionaux de la coalition anti-EI que sont entre autres l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Qatar ou encore la Turquie, ne peuvent consentir à un compromis que si les milices chiites patronnées par Téhéran se retirent. Le maintien de ces milices serait en effet considéré par ces pays comme une victoire trop importante de leur adversaire iranien. Or, la présence russe dans le pays comme le maintien d’Assad sont liés pour l’instant à l’action des milices chiites pilotées par l’Iran, dont dépend la survie du régime.
S’agissant du combat contre l’EI, la libération de Raqqa n’a guère de sens si la ville, puis le contrôle du reste de la vallée de l’Euphrate reviennent ensuite au régime d’Assad. Dans un tel scénario, l’intervention américaine pour libérer cette région de l’EI ne bénéficierait finalement qu’au puissant voisin iranien.
Dans ces conditions, le risque est très élevé d’un scénario de division du pays et de la poursuite d’une guerre sans fin. Ce danger est aggravé par :
la dérive du régime et sa stratégie militaire et sécuritaire jusqu’au-boutiste ;
le fait qu’une défaite de l’EI ne règlerait pas le problème du terrorisme islamique dans le pays, du fait notamment de la concentration du Front al-Nosra dans la province d’Idlib ;
les changements démographiques en cours au profit des minorités chiites dans certaines zones, ce qui pourrait avoir un impact sur l’équilibre confessionnel du pays et créer des rancoeurs tenaces.
Même si le conflit se poursuit à un niveau de violence moindre qu’actuellement, la persistance de l’instabilité aggravera la crise migratoire actuelle et assurera le maintien d’un terreau favorable au terrorisme.