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21/01/2013

Vers un plus grand encadrement des agences de notation

Vers un plus grand encadrement des agences de notation
 Institut Montaigne
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Institut Montaigne



Le Parlement européen s’est prononcé mardi 15 janvier en faveur du renforcement de la réglementation régissant l’activité des agences de notation. Dans leur principe, ces mesures doivent permettre de "remettre la notation financière à sa juste place", comme le préconisait l’Institut Montaigne dans son rapport de juillet 2012. En réalité, elles soulèvent de nombreuses questions.

Depuis la crise financière de 2008, les agences de notation font l’objet de vives critiques du fait de leur incapacité à anticiper les crises et des effets procycliques de leur notation. Dès novembre 2010, l’Europe a manifesté sa volonté d’adopter une réglementation plus stricte et cohérente s’agissant de leur encadrement, s’inspirant de la loi Dodd Franck[1].

Ainsi, mardi 15 janvier dernier, le Parlement a-t-il adopté de nouvelles mesures, qui doivent entrer en vigueur cette année, autour de trois objectifs principaux : la transparence, l’encadrement et la responsabilité. Ce texte vient compléter le cadre législatif et réglementaire européen alors uniquement composé du règlement (CE) n°1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009. En juillet dernier, l’Institut Montaigne formulait déjà plusieurs propositions dans cette direction.


Vers une plus grande transparence et un meilleur encadrement des agences de notation

Le texte prévoit tout d’abord de plafonner les participations des agences dans les entités qu’ils notent afin de prévenir les conflits d’intérêt. Cette mesure va dans le bon sens mais est insuffisante. Il faudrait à tout le moins exiger des agences qu’elles publient la liste de leurs vingt premiers actionnaires ou la liste des actionnaires détenant au moins 1 % de leur capital, ainsi que les participations de leurs actionnaires de référence dans les entités qu’elles notent.

Ces nouvelles réglementations visent par ailleurs à limiter l’influence de la notation des agences en imposant notamment l’établissement d’un calendrier annuel relatif aux notations souveraines comportant au maximum trois notes non sollicitées et la publication obligatoire de ces notations le vendredi après clôture des marchés. La mise en oeuvre d’un calendrier annuel de notation des Etats, connu et anticipé par les acteurs, risque néanmoins de donner lieu à des phénomènes de spéculation autour des notations et de déstabiliser le marché.


Des mécanismes de responsabilité toujours imparfaits

Saluant ces avancées, l’Institut Montaigne redoute cependant que les mécanismes de responsabilité civile envisagés par le législateur européen ne permettent pas de rendre effectivement responsables les agences. Le texte prévoit en effet que les infractions commises par les agences puissent faire l’objet d’un recours de la part des investisseurs. Cette mesure paraît peu réaliste. Les notations ayant rang de simples opinions, il semble en effet peu probable de pouvoir engager la responsabilité d’une agence au motif qu’elle a noté trop haut un émetteur de dette qui a ultérieurement fait défaut, ou trop bas un émetteur qui est resté solvable. Par ailleurs, comment évaluer le préjudice subi par un Etat souverain mal noté et qui a vu la charge de sa dette s’envoler de plusieurs milliards d’euros ? Demandera-t-on réparation aux agences ? Selon quelle proportion ? Leur demandera-t-on de s’assurer ou de se doter de montants de capitaux propres de nature à faire face à ce type d’engagement au risque de créer une barrière à l’entrée encore plus forte pour de nouveaux entrants ? On le voit, la question est complexe et risque de rester un vœu pieux.

S’agissant de transparence, des mesures plus adaptées doivent être privilégiées comme par exemple, l’obligation de publicité la plus large possible, aux frais de l’agence, des infractions qui seraient relevées par l’AEMF ou encore un plus grand contrôle de l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) en ce qui concerne les effectifs des agences. Les enquêtes conduites aux Etats-Unis par la Securities and Exchange Commission ont montré en effet que les agences sont en situation de sous-effectif chronique. Une surveillance plus serrée permettrait à l’AEMF de signaler les cas où le risque de sous-effectif est susceptible d’entamer la qualité des ratings.

L’adoption de ce texte par le Parlement européen constitue donc une avancée positive, qu’il faut saluer. Gardons en tête néanmoins que la seule façon de se "désintoxiquer" de la notation est de supprimer progressivement les références à celle-ci dans la réglementation financière et d’inciter les investisseurs à développer leur propre analyse du risque. C’est le seul moyen de refaire des notations ce qu’elles auraient toujours dû être : de simples avis.

Aller plus loin :
- Remettre la notation financière à sa juste place - Étude - Juillet 2012

Notes

[1] Wall Street Reform and Consumer Protection Act (dit aussi « loi Dodd-Frank ») : loi votée en juillet 2010 par le Congrès américain visant à mieux encadrer l’activité des agences de notation.

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