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27/10/2016

Un salaire minimum pour tous les européens ?

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Un salaire minimum pour tous les européens ?
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Mettre en ?uvre un salaire minimum dans chacun des États-membres de l'Union européenne. C'est ce que préconise un rapport d'information remis mercredi 19 octobre par la Commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale à la ministre du Travail et au secrétaire d'État aux affaires européennes. Si l'objectif affiché est bien de stimuler la consommation par l'augmentation du pouvoir d'achat et de lutter contre le dumping social, son impact sur la croissance et la compétitivité varie selon les situations nationales. Quelles leçons tirer des expériences étrangères ?


Le rapport d’information s’appuie sur l’hétérogénéité des situations des niveaux de salaires dans les États-membres de l’Union européenne ainsi que de leurs modes de fixation pour formuler des propositions en faveur de la mise en place d’un salaire minimum dans chacun d'entre eux. Il ne s’agit donc pas de promouvoir l’établissement d’un salaire minimum unique à l’échelle européenne. Depuis sa mise en place en Allemagne en janvier 2015, portant à 22 le nombre d’États-membres de l’Union dotés d’un salaire minimum national, le sujet est d’actualité. Certains pays ont également récemment décidé de le revaloriser, comme au Royaume-Uni.

Quels impacts constater sur la croissance et la compétitivité des pays ayant adopté un salaire minimum ?

Outre-Rhin : des salaires à la hausse, une croissance stable


D’un point de vue macroéconomique, le salaire minimum n’a pas eu d’impact visible sur le PIB allemand. La croissance de l’Allemagne (1,6 % en 2014) s’est maintenue à 1,5 % en 2016, selon une étude de l’Office fédéral des statistiques allemand réalisée en mai 2015, quatre mois après son entrée en vigueur. Cependant, son impact sur la hausse globale des salaires a été démontré par une étude du think tank allemand WSI Institute of Economic and Social Research.

L’arrivée dans le pays d’un grand nombre de migrants a réactivé le débat politique sur le salaire minimum. L’accord du 16 avril 2016 prévoit la suspension de l’obligation faite à chaque employeur de recruter en priorité un Allemand ou un Européen. Il prévoit également la création de 100 000 emplois, pour la plupart des travaux d’intérêt général, faiblement rémunérés et réservés aux demandeurs d’asile. En contrepartie de ces nouveaux droits, les bénéficiaires doivent accepter de résider dans les localités désignées par l’État.

Enfin, une revalorisation du salaire minimum a été décidée par la commission dédiée à cette question, basée sur l’augmentation moyenne des rémunérations dans les conventions collectives entre janvier 2015 et juin 2016. Elle sera applicable à compter du 1er janvier 2017.  


Outre-Manche : augmentation du salaire minimum, diminution des aides sociales


Le 1er avril dernier, le salaire horaire minimum britannique (National Living Wage), passait de 6,70 à 7,20 livres sterling (soit 9,20 euros). Cette mesure s’inscrit dans une stratégie économique et budgétaire  au service d’un retour à l’équilibre des finances publiques avant les élections générales de 2020. Elle permet de compenser un plan de réduction de la dépense publique qui s’attaque  aux dépenses sociales. 

L’impact de cette augmentation n’est pas négligeable pour les entreprises. Elle devrait toucher près de deux millions de salariés et représenter pour les entreprises une charge de 821 millions de livres la première année. Cette charge pourrait être partiellement compensée par le volet fiscal des mesures budgétaires présentées par George Osborne. En effet, depuis sa nomination en 2010, le ministre a baissé le taux d’imposition sur les sociétés de 28 % à 20 % et compte atteindre 17 % en 2020.

Au niveau microéconomique, cette mesure aspire à  améliorer le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes ; ils subiront néanmoins les effets des coupes budgétaires dans les prestations sociales. Au niveau macroéconomique, l’augmentation du salaire minimum détruirait 60 000 emplois, là où l’économie britannique crée chaque année 500 000 postes, selon le gouvernement.

Outre-Atlantique : une méthode inspirante ?


Aux États-Unis, un salaire minimum existe au niveau fédéral. Cependant, chaque État peut fixer un salaire minimum différent du salaire fédéral. Le montant déterminé au niveau des États peut être supérieur au minimum fédéral (c'est le cas pour 29 États), lui être égal (c'est le cas pour 14 États), ou inférieur (comme en Géorgie et au Wyoming). Cette décentralisation de la décision permet aux gouvernements locaux d'ajuster avec souplesse le salaire minimum à leur réalité économique. Récemment, les États de Californie et de New-York choisissaient d'augmenter significativement leur salaire minimum. Ces décisions ont fait craindre des effets de bord vis-à-vis d’États limitrophes, créant des phénomènes d'éviction. Pourtant, à ce jour, ces n’apparaissent pas de façon claire au plan macroéconomique.

L’instauration de minima salariaux au sein des pays européens vise notamment à lutter contre le dumping social que pourrait susciter la concurrence intra-européenne. Dans cette optique, le cas américain constitue un cas de figure intéressant pour le vieux continent, avec une norme fixée au niveau fédéral et une marge de manœuvre laissée aux États pour déroger à cette règle et l'adapter à leur réalité économique. Ainsi, ce système décentralisé ne conduit pas nécessairement à un nivellement par le bas des minima salariaux, comme le prouvent les cas de la Californie et de l'État de New-York.


Par Ambre Limousi et Marc-Antoine Authier

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