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21/09/2016

Sommet de Bratislava : vers une Europe de la sécurité ?

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Sommet de Bratislava : vers une Europe de la sécurité ?
 Institut Montaigne
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Le premier sommet européen post Brexit s'est tenu le 16 septembre dernier à Bratislava. Les enjeux de défense et de sécurité ont occupé une place importante des débats. Paris et Berlin y ont présenté un plan d'action conjoint afin de renforcer ?les capacités européennes de défense? et de ?protéger plus efficacement nos frontières et les citoyens de l'UE?. ? État des lieux, décryptage des déclarations et propositions de l'Institut Montaigne en faveur d'une Union européenne pour la sécurité.

Quelle Europe de la défense en 2016 ?

Dans un contexte sécuritaire particulièrement difficile, une étroite coopération européenne en matière de défense et sécurité semble plus que jamais nécessaire. Après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) – historiquement opposé à l’Europe de la défense –, la France et l’Allemagne souhaitent donner une nouvelle impulsion à la politique de défense et de sécurité européenne.

L’Union européenne, en tant que telle, ne dispose ni de compétences ni de réelles coopérations en matière de défense et de sécurité et la politique de défense et de sécurité (PSDC) européenne, introduite en 1992, n’a jamais atteint les objectifs ambitieux qui avaient présidé à sa mise en œuvre. Près de vingt-cinq ans après son lancement, la défense reste l’apanage des États membres. En outre, l’absence de vision et de volonté politique commune rend la mise en application des dispositions prévues par le Traité de Lisbonne (augmentation des capacités militaires, investissements communs, etc.) extrêmement difficile à engager.

Par ailleurs, l’absence d’une politique étrangère commune empêche la construction d’une politique de sécurité pour l’Europe. La politique européenne de défense et de sécurité ne repose pas sur une stratégie de sécurité collective destinée à protéger la population et le territoire de l’Union et se limite, à des interventions extérieures au coup par coup.

Une feuille de route pour relancer l’Europe de la défense ?

L’initiative franco-allemande portée au sommet de Bratislava s’inscrit dans une volonté d’avancer vers une Europe de la défense « crédible, rapide, efficace et réactive » Les propositions avancées par Paris et Berlin s’articulent autour de trois axes :

1. simplifier la mise en œuvre des interventions décidées par l’UE dans le cadre de la PSDC ;
2. réactiver les décisions du Conseil européen n’ayant pas abouti sur ces sujets (rencontres régulières dédiées aux enjeux de défense, déploiement des groupes tactiques européens, etc.) ;
3. assurer l’autonomie militaire de l’UE en renforçant la coopération industrielle et technologique.


Plus concrètement, la feuille de route définie par le couple franco-allemand prévoit la création d’une “task force” européenne, qui permettrait d’appliquer plus rapidement les décisions prises par les États membres. Par ailleurs, un commandement européen médical et logistique serait introduit afin de mutualiser les capacités des Vingt-sept, de même que le partage étendu des images satellitaires. Enfin, les élèves officiers à travers l’Union suivraient une formation harmonisée.

Toutefois, la question du financement de ces mesures ainsi que d’un quartier général européen - auquel les Britanniques se sont toujours opposés – n’est pas évoquée.

Finalement, si la Déclaration de Bratislava souligne que l’UE doit “prendre toutes les mesures nécessaires pour aider les États membres à assurer la sécurité intérieure et à lutter contre le terrorisme”, rien ne garantit que cette initiative franco-allemande aura davantage de chances de succès que les précédentes initiatives européennes prises en matière de défense et de sécurité. En effet, Paris et Berlin devront convaincre les ministres de la Défense lors du Conseil européen du 27 septembre, avant que ceux-ci ne se prononcent le 15 novembre, lors du Conseil européen de décembre. Par ailleurs, le Royaume-Uni a d’ores et déjà fait savoir qu’il opposerait son droit de veto à la création d’une véritable armée européenne tant qu’il demeurait membre de l’UE.

Construire une Union européenne pour la sécurité

Le Brexit peut permettre d’initier une nouvelle dynamique susceptible de faire émerger une Union pour la Sécurité. Les freins politiques et institutionnels, voire opérationnels, opposés par le Royaume-Uni au sein de l’UE, seront ainsi levés : le compromis de Saint-Malo (refus d’un état-major européen mais acceptation de la PSDC par Londres) ne tient plus.

Les citoyens européens expriment un très fort besoin de sécurité vis-à-vis de l’Union tout en fustigeant son vide stratégique et son incapacité à répondre à la montée des risques. La déclaration de Bratislava s’en fait l’écho : “L'UE n'est pas parfaite mais c'est le meilleur instrument dont nous disposons pour relever les nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés. Nous avons besoin de l'UE non seulement pour garantir la paix et la démocratie mais aussi pour assurer la sécurité de nos peuples”.

La France et l’Europe, si elles veulent assurer la protection de leurs citoyens, garantir leur souveraineté et préserver la liberté, doivent réinvestir massivement dans la sécurité. Mais ce réinvestissement n’a de sens que s’il s’inscrit dans une stratégie globale. Dans son rapport, Refonder la sécurité nationale, l’Institut Montaigne avance pour cela trois propositions :

1. Refonder la construction européenne en lançant une Union pour la sécurité avec pour missions prioritaires la lutte contre le terrorisme, la protection des infrastructures essentielles et le contrôle des frontières extérieures de l’Union, notamment par la mise en place d’un dispositif intégré de surveillance de la Méditerranée et d’une politique de développement coordonnée en direction des pays de l’Afrique et du Moyen-Orient. Cette nouvelle ambition et cette stratégie de sécurité devront être actées par l’Union dans un Livre Blanc sur la défense et la sécurité européennes.

2. Transformer Frontex en une police des frontières extérieures de l’Union, dotée d’outils juridiques adéquats, de moyens propres et d’effectifs permanents. Sa mission prioritaire sera le contrôle des frontières extérieures de l’Union.

3. Consolider et développer l’industrie de défense européenne grâce à un mouvement de mutualisations et de coopérations renforcées mais aussi à un engagement réaffirmé des États membres sous la forme d’un Buy European Act :

- en s’appuyant sur les besoins communs en matière de sécurité, notamment l’équipement des forces de sécurité et leurs systèmes d’information ;
- en continuant les efforts de convergence de manière réaliste à partir de deux besoins avérés :
* un intérêt commun pour la surveillance des approches maritimes et aériennes, notamment en Méditerranée ;
* un besoin partagé d’avoir des équipements interopérables en faisant monter en puissance le budget européen de R&D et en renforçant les acquisitions harmonisées.

Par Amélie Reichmuth pour l'Institut Montaigne
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