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23/04/2008

Sans-papiers, travail et intégration

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

La grève des sans-papiers salariés est entrée dans sa 2ème semaine et s’étend désormais à toute l’Île de France. Elle connaît une ampleur sans précédent et bénéficie d'un écho tout à fait nouveau.

Politique de régularisation

Officiellement, le Gouvernement prône une politique restrictive et s'oppose à toute régularisation massive des clandestins – entre 200 000 et 400 000 individus selon le ministre de l'Immigration, Brice Hortefeux. Mais concrètement, avoir un travail est une preuve d’intégration magistrale, ce qui rend le refus de régularisation difficile au cas par cas (souvenez-vous l'an dernier des 20 salariés sans papiers d'un restaurant Buffalo Grill qui ont reçu des titres de séjour après une grève d'un mois, et, en février, des 7 cuisiniers régularisés après avoir occupé un restaurant très chic du XVIe arrondissement de Paris).

Un mouvement sans précédent

La grève de cette semaine a deux particularités : son ampleur (la presse évoque quelque 600 personnes), mais aussi sa visibilité. Longtemps, les travailleurs sans papiers ont vécu dans la peur des contrôles, mais ce n’est plus le cas grâce à la CGT, à quelques associations, mais aussi grâce à une circulaire de juillet 2007 qui oblige les entreprises à faire vérifier les titres de séjour de leurs employés par l'administration. Et l’on se retrouve dans une situation où patronat et syndicats font curieusement cause commune. Beaucoup considèrent que la régularisation des immigrés clandestins serait très utile au bon fonctionnement de plusieurs secteurs (propreté, restauration…).

Vers un recours massif à l’immigration ?

Certains experts pensent que, à cause de sa démographie déclinante, la France devra importer de la main d’œuvre étrangère si elle veut maintenir de la croissance - c’est ce qu’a redit récemment le rapport Attali. Mais nos besoins de bras à l’échéance de quelques années sont immenses, si bien que si l’on ouvrait les vannes de l’immigration au niveau nécessaire, cela poserait sans doute de lourds problèmes d’acceptabilité.... S’il parait légitime de régulariser au coup par coup les clandestins qui travaillent, il peut sembler plus douteux d’organiser une immigration de main d’œuvre.

Embaucher les Français issus de l’immigration

Il y a d’autres pistes à explorer pour trouver les gisements de main d’œuvre dont nous aurons besoin, notamment l’amélioration du taux d’emploi chez les jeunes et les seniors. Mais on pourrait aussi mieux utiliser ce réservoir que constituent nos propres ressortissants représentants des minorités visibles. Ils sont Français et éprouvent d’énormes difficultés à s’insérer sur le marché du travail, et pour cause : à profil identique, un black ou un beur a 17 fois moins de chance qu’un « gaulois », comme on dit, d’être recruté par une entreprise !

Les écoles de la 2ème chance

Hier, sur le bog, nous évoquions le CV anonyme qui s’adresse – par nature – aux diplômés. Mais parmi les Français issus des minorités visibles, nombreux sont ceux qui quittent les bancs de l’école sans aucun diplôme en poche. Or, il est urgent de leur redonner des perspectives d’avenir. Il existe déjà une poignée d’écoles de la deuxième chance, des établissements qui se donnent pour but de former des jeunes sortis du système scolaire sans qualification ni diplôme et de leur apprendre un métier. Le résultat de ces écoles, on le connaît, on l’a mesuré, et elles donnent vraiment un levier formidable à ceux qui ont échoué dans leurs études mais qui ont du potentiel – et ils sont très, très nombreux !

Notre proposition est donc toute simple : multiplier par 10, par 100 le nombre de nos écoles de la deuxième chance –rien que leur nom donne envie de les aider, non ?

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