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26/05/2008

Salariés intéressés

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Nicolas Sarkozy s’est rendu dans l’Oise pour visiter des usines, mais surtout pour annoncer un projet de loi flambant neuf

Doublement des sommes versées

Ce projet de loi prévoit de booster l’intéressement et la participation dans les entreprises, dans la lignée de ce qu’avait créé le général de Gaulle il y a maintenant 40 ans, et vise justement à étendre les dispositifs inventés à ce moment là. L’objectif est ambitieux puisqu’il s’agit de doubler en 4 ans les sommes versées aux salariés au titre de l’intéressement …

Petite explication

La grande différence entre participation et intéressement, c’est que la participation est obligatoire pour les entreprises de 50 salariés et plus, alors que l’intéressement est facultatif, il est mis en place par accord entre chef d’entreprise et salariés. Autre différence, la participation est en quelque sorte automatique et liée au bénéfice après impôt de l’entreprise, mais elle est bloquée pendant 5 ans, alors que l’intéressement, lui, est versé immédiatement, mais conditionnel et calculé selon des objectifs fixés par un accord d’entreprise.

Forcer la générosité

Au total, les deux dispositifs brassent de belles sommes d’argent, près de 13 milliards d’euros l’an passé par exemple, au bénéfice de millions de salariés, 4 millions rien que pour la participation. Cependant, ces sommes sont assez concentrées et la majorité des salariés n’en voient jamais la couleur, en particulier les salariés des PME. Et justement, Nicolas Sarkozy cherche à développer le dispositif avec une carotte – une incitation fiscale. En fait, dès 2009 les entreprises qui signeront un accord d'intéressement se verront attribuer un crédit d'impôt égal à 20 % des sommes versées…

Sarkozy et le social libéral

Avec un peu de mauvais esprit, on pourrait voir derrière ces mesures une tentative de reconquête de l’opinion de la part de Nicolas Sarkozy. Disons tout au moins que le sujet tombe à pic pour le président au moment où les socialistes se déchirent sur une querelle de mots quant à la compatibilité du socialisme et du libéralisme. Pendant ce temps, donc, le président de la République porte la contre-offensive sur le terrain social. En effet, il propose la rénovation de deux ordonnances emblématiques du gaullisme dans ce qu’il avait de moins libéral mais aussi de plus redistributeur, de plus « associatif ».

Contre l’injustice salariale

Honnêtement, cette intention est peu critiquable parce que c’est vrai qu’on connaît aujourd’hui un salariat à deux vitesses, d’un côté ceux qui ont un CE généreux, les 35h et la participation, et puis de l’autre ceux qui n’ont rien de tout ça. Tout cela n’est pas très démocratique et si l’association capital-travail est souhaitable, alors elle doit valoir pour tout le monde !

Déséquilibre du risque

Et c’est très important. A l’Institut Montaigne nous pensons en effet que, derrière la polémique éternelle sur le pouvoir d’achat ou sur le partage de la valeur ajoutée qui ne correspond pas à la réalité statistique, il y a une angoisse très compréhensible née du déséquilibre qui existe aujourd’hui, et c’est nouveau ! entre actionnaires et salariés en termes de risques. Avant, quand les entreprises appartenaient à des familles, elles étaient très prudentes parce que la famille ne voulait pas tout perdre, et par conséquent les emplois des salariés étaient bien plus sûrs.

Partager le bénéfice du risque

Mais depuis que les actionnaires sont des fonds, ils poussent les entreprises à prendre plus de risques parce qu’ils peuvent, eux, mutualiser leurs placements pour se protéger contre ce risque. A l’opposé, le salarié, lui, n’a qu’un seul employeur et ne peut donc pas mutualiser son risque professionnel de la même manière. Il est donc perdant dans cet accroissement du risque. La meilleure manière de rectifier le tir serait de faire en sorte que lui aussi tire profit du surcroît de rémunération que procure le surcroît de risque.

Prudents salariés capitalistes

Pour ce faire, il n’y a pas 36 solutions, il faut qu’il soit lui aussi capitaliste, associé aux bénéfices. De ce point de vue là, ce qui se prépare n’est pas mauvais… mais avec une réserve : il ne faut pas encourager des employés modestes à posséder des actions de l’entreprise qui les emploie . Car si l’on est actionnaire de son employeur, on peut perdre son épargne en même temps que son emploi, souvenez-vous des affaires Maxwell ou Enron, voire dans une moindre mesure Vivendi. Il faut donc doper la participation tout en veillant à ce qu’elle soit placée dans des véhicules diversifiés et non pas principalement en actions de l’employeur, comme cela se voit hélas très souvent. Je crois que c’est absolument central si l’on veut que cette réforme soit vraiment sociale…

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