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19/02/2013

Rupture conventionnelle de contrat : jurisprudence de la Cour de Cassation

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Rupture conventionnelle de contrat : jurisprudence de la Cour de Cassation
 Alexia de Monterno
Auteur
Directrice adjointe de l'Institut Montaigne



Alors que la France cherche à se doter d’outils de "flexisécurité" afin de fluidifier le fonctionnement de son marché du travail, la Chambre sociale de la Cour de Cassation vient, par deux décisions successives, d’apporter une sérieuse mise au pas de la rupture conventionnelle du contrat de travail - l’un des rares mécanismes à la disposition des employeurs comme des salariés pour se séparer facilement et à l’amiable.

Nous rendons compte ici d’un article paru sur lefigaro.fr le 14 février.

La Chambre sociale de la Cour de Cassation vient de rendre deux décisions relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail, créée par la loi du 25 juin 2008 "portant modernisation du marché du travail".

La première décision porte sur l’annulation d'une convention de rupture signée avec une salariée qui se trouvait dans une situation de harcèlement moral. Pour les juges, il s'agit d'"une situation de violence" entraînant un vice de consentement et donc annulant la convention passée. En conséquence, la rupture du contrat de travail a été requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à dommages et intérêts. Cette décision porte en elle le risque de nombreuses requalifications dès lors que la RCC a été précédée d’un litige ou après une procédure avortée de licenciement.

Seconde décision, pour protéger "les intérêts du salarié en matière de rétractation", la Cour de cassation a estimé qu'une convention de rupture devait être établie en double exemplaire sous peine de nullité. Elle se fonde sur une disposition du Code civil ¬indiquant qu'un contrat doit être -signé en autant d'originaux qu'il y a d'intérêts distincts. Or, énormément de ruptures sont le fait de petites entreprises qui se contentent de remplir un formulaire Cerfa et de l'envoyer à l'administration pour homologation. Les risques de contentieux ainsi ouverts sont innombrables.

Ce faisant, la Chambre sociale de la Cour de cassation a fait le choix d’encadrer de façon extrêmement stricte la rupture conventionnelle du contrat de travail et d’en réduire assez largement son intérêt. Ces deux décisions interviennent quelques semaines après un renchérissement non négligeable du coût de la rupture puisque, depuis le 1er janvier, un forfait social de 20 % s’applique sur le montant de la transaction.

Ainsi, en l’espace de quelques semaines, l’un des rares outils de fluidité de notre droit social en matière de rupture du contrat de travail - outil qui, en outre, avait fait la preuve de son utilité (plus d’un million de RCC ont été signées depuis 2008), a été vidé de son intérêt. Cela appelle plusieurs remarques :

  • la volonté du législateur se trouve, dans ce cas de figure, largement détournée par la seule décision du juge, ce qui n’est pas anodin en démocratie ;
  • le rôle même du juge dans la rigidification de notre droit social est un vrai sujet de société comme l’a montré la dernière étude de l’Institut Montaigne Les juges et l’économie : une défiance française, Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, décembre 2012 ;
  • le dispositif prévu par l’accord national interprofessionnel visant à obtenir en amont l’homologation d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi par l’Administration plutôt que de le faire valider par le juge en aval, témoigne de l’ampleur de la défiance qui s’est installée.
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