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24/04/2008

Réforme des ports et infrastructures

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Le projet de loi portant réforme des ports autonomes, avec notamment le transfert au privé de la totalité de leurs activités de manutention, a été présenté hier matin en Conseil des ministres, sur fond d'hostilité très vive des syndicats.
Cette réforme parait pourtant indispensable.

Décryptage de la réforme L’enjeu de cette réforme est tout simple : permettre aux ports français, en perte de vitesse ces dernières années, de renouer avec la compétitivité. Entre 1989 et 2006, soit en 15 ans seulement, leur part de marché sur le trafic européen des conteneurs est passée de presque 12 % à à peine plus de 6 %. En fait, désormais, le trafic total des 7 ports français concernés par la réforme est inférieur d’un quart au trafic réalisé par le seul port de Rotterdam !

Optimiser un énorme potentiel Pour résumer, la France a une immense façade maritime et des ports somptueusement placés, le transport maritime est un business en plein essor sur toute la planète à cause de la mondialisation, et pourtant, dans nos ports, tout fout le camp, sinon de Dunkerque à Tamanrasset, en tout cas de Dunkerque à Marseille …

De bons changements pour les dockers Bien sûr, il y a une forte hostilité des syndicats à la réforme. Et pourtant, j’y suis très favorable. Pourquoi ? Parce qu’il ne faut écouter toujours les syndicats, qui mènent selon les cas des combats d’inégale valeur. Je trouve absolument indispensable et totalement légitime qu’ils se battent pour défendre les conditions de travail d’une ouvrière de Basse-Bretagne qui éviscère des poulets dans une usine où il fait 8° toute l’année et qui gagne le Smic pour ses efforts. Mais, quand on parle des manutentionnaires portuaires, il faut tout simplement récuser un discours syndical maximaliste, corporatiste et même indécent s’agissant d’une profession plutôt gâtée ! D’autant que l’intégration dans le privé a souvent aussi son pendant positif côté salariés : les ex-dockers, ont vu leurs revenus et l’embauche augmenter depuis la réforme en 1992.

Enrichissement pour tous Il faut regarder les choses en face : la productivité, même sur les ports, c’est tout de même le seul secret pour développer le business et avoir plus d’argent à partager – en particulier avec les salariés ! Donc, oui à la réforme, d’autant que le gouvernement ne semble pas vouloir passer en force, il est même prévu une concertation qui se prolonge au-delà du vote de la loi si c’est nécessaire pour faire du cas par cas.

Infrastructures et croissance Au-delà du cas des ports, cette réforme met en lumière l’importance des infrastructures. Evidemment, de bonnes infrastructures sont facteur de croissance – cela, on l’apprend tous à l’école... Dans le cas des ports, le constat est clair si l’on compare la France et les Pays-Bas : dans l’Hexagone, nous gâchons du potentiel de croissance avec des infrastructures qui ne fonctionnent pas à plein régime. Cela dit il ne faut pas en déduire que toute infrastructure est bonne construire. Car un aéroport, une ligne TGV, une autoroute ou un port coûtent beaucoup d’argent. Aussi faut-il choisir avec soin ceux que l’on construit, car, à l’inverse, on peut aussi détruire de la richesse en bâtissant des infrastructures qui ne servent à rien.

Routes, ports, lignes TGV… lesquels bâtir ? L’Institut Montaigne, publiera très prochainement un rapport sur les grandes infrastructures à construire en fonction de leur utilité dont le fil rouge sera la nécessité de repenser la manière dont on dose les ingrédients dans le processus de prise de décision. D’un côté, il y a le jeu politique, le projet porté par des élus, qui est légitime. Mais de l’autre, il doit y avoir le calcul économique, un peu trop souvent oublié chez nous… Or, ce calcul économique est indispensable si l’on veut que la priorité aille vraiment aux projets ayant la plus forte valeur ajoutée économique, sociale et environnementale.

Considérer le calcul économique Je propose donc de réhabiliter ce calcul économique dans le processus de décision, comme cela que se passe ailleurs. Dans les pays nordiques, par exemple, aucun élu ne défendrait un projet qui n’ait pas fait la preuve de son utilité. Dans le processus de décision anglais on parle sans cesse de « value for money ». Cette dimension manque chez nous – rappelons qu’en France on annonce comme ça 1500 km de tgv de plus sans dire ni où ni pourquoi… Incontestablement, nous avons des progrès à faire dans ce domaine ! Des infrastructures oui, mais pas n'importe lesquelles et pas à n’importe quel prix, voila un mot d’ordre qui parait raisonnable.

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