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02/02/2017

Quelle politique étrangère pour le Royaume-Uni ?

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Quelle politique étrangère pour le Royaume-Uni ?
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Relations avec les États-Unis, OTAN, relation avec le Moyen-Orient : trois questions à Maxime Lefebvre, diplomate et membre de notre groupe de réflexion sur l'avenir de l'Europe, au sujet de l'avenir de la politique étrangère du Royaume-Uni.

Quel est, selon vous, l’avenir de la "special relationship" qui unit le Royaume-Uni et les États-Unis ?

Après la décision du peuple britannique de quitter l’Union européenne (UE), il est important pour le Royaume-Uni de resserrer les liens avec son allié traditionnel : les États-Unis. Cette "relation spéciale" existe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et structure la politique étrangère que mène Londres.

L’élection de Donald Trump complique cependant les choses pour Theresa May. Le récent décret pris par le président américain à l’encontre des ressortissants de sept pays musulmans place le Royaume-Uni dans une situation délicate. Il pourrait entraîner l’annulation de la visite d’État qui devait être organisée à Londres. En effet, le Royaume-Uni demeure un pays européen en termes de valeurs et de comportements et il sera difficile pour son gouvernement de ne pas prendre ses distances avec certaines des mesures les plus polémiques que prend et pourrait prendre la nouvelle administration américaine.

Le Brexit crée une certaine forme de convergence idéologique entre les deux pays, visant à faire passer les intérêts de leurs pays respectifs avant toute autre considération. Mais cela peut aussi compliquer le rapprochement des deux pays. Les deux économies ne sont pas de taille comparable et les négociations commerciales qui s’ouvriront avec les États-Unis après la sortie du Royaume-Uni de l’UE ne tourneront pas forcément à l’avantage du Royaume-Uni.

Beaucoup dépendra de la politique que mènera réellement Donald Trump. Il semble vouloir appliquer rapidement certaines de ses propositions les plus polémiques - construire un mur à la frontière mexicaine, sortir du TPP ou interdire l’accès au territoire américain à certaines nationalités - mais se montre plus prudent sur l’OTAN, la révision de l’accord sur le nucléaire iranien ou le rapprochement avec la Russie. 


Lors de son discours à Lancaster House le 17 janvier 2017, Theresa May a expliqué que son pays avait vocation à être un acteur mondial et non uniquement européen. Que pensez-vous de cette politique ?

Theresa May, qui n’était pas favorable au Brexit, a pris acte de la volonté du peuple britannique de quitter l’UE. Ce sont ses mots : "Brexit means Brexit".

Dès lors que le Royaume-Uni prend ses distances avec l’Union, il n’a d’autre choix que de resserrer ses liens directs avec le reste du monde, suivant la maxime de Winston Churchill : « entre le continent et le grand large, nous choisirons toujours le grand large ».

La récente visite de Theresa May à Ankara s’inscrit dans cette logique. Elle avait pour but de resserrer les liens du Royaume-Uni avec un des principaux acteurs du Moyen Orient et un allié majeur de l’OTAN, non membre de l’UE. 


Il sera néanmoins difficile pour le Royaume-Uni de se passer totalement de la relation avec l’UE. Des liens de natures très diverses existent - culturels, économiques, scientifiques ou militaires - et de nombreuses forces ont intérêt à leur maintien de part et d’autre.


Pensez-vous que le Brexit aura d’importantes conséquences pour la défense et la sécurité en Europe ?


L’OTAN reste le principal acteur de la défense européenne et le fait que le Royaume-Uni quitte l’UE ne fera que renforcer l’importance pour lui de son appartenance à l’Alliance atlantique.

La sortie programmée du Royaume-Uni de l’UE peut relancer le projet d’Europe de la défense, comme en témoignent les propositions franco-allemandes ou celles de la Commission européenne. Les Britanniques se sont toujours opposés à la consolidation d’une structure militaire ou civilo-militaire européenne qui pourrait affaiblir le lien transatlantique sur ces questions. Ils ne seront plus en mesure d’empêcher les projets d’intégration militaire européenne. La question sera plutôt de savoir comment le Royaume-Uni pourra y être associé dans l’avenir.

Ces propos sont tenus à titre personnel.


Pour aller plus loin

Le chemin de croix de Theresa May

Hard Brexit : analyse du discours de Theresa May par Ramon Fernandez

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