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28/05/2008

Plus de taxis mais pas suffisamment ?

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

La ministre de l’Intérieur a annoncé ce mercredi matin qu’elle avait décidé d’appliquer une des recommandations du rapport Attali : l’augmentation du nombre de licences de taxis.

Une indéniable avancée

Après l’abandon officiel des propositions du rapport Attali en février dernier, on pouvait craindre que rien ne se passe sur ce front, souvenez-vous de la journée d’action durant laquelle les taxis avaient bloqué les portes de Paris et de quelques grandes villes… Toucher aux taxis malgré le risque des concert de klaxons et de l’embouteillage monstre est déjà en soi une petite révolution… Comme le voulait Jacques Attali, et ce pour la première fois depuis des décennies, le nombres de taxis va donc augmenter.

Un tout petit peu plus de licences

Cependant, le regret que l’on peut formuler, c’est que le nombre de licences à Paris va seulement passer de 15 000 aujourd’hui à 20 000 dans 3 ans alors que le rapport Attali prévoyait de grimper de 15 000 à 30 000. La réforme a donc perdu pas mal de plumes en route, et aux heures de pointe on risque encore de se battre longtemps les flancs pour trouver une voiture.

Reconnaissables entre tous

Il y a toutefois deux autres changements appréciables : les taxis seront bientôt enfin reconnaissables puisqu’ils seront bicolores, avec de plus grosses lampes sur le toit, et des couleurs homogènes ville par ville. Les taximètres seront également automatisés, ce qui rendra le prix de la course plus transparent.

Roissy – Paris reliés

Autre point important, Michèle Alliot-Marie a évoqué la création d’une voie dédiée aux taxis et aux transports en commun entre l’aéroport de Roissy et le centre de Paris. Cet aménagement est prévu pour début 2009 et il y aura d’abord un an d’expérimentation. Comment ne pas voir ici une belle faveur faite aux taxis et un coup porté au RER qui deviendra moins concurrentiel – on est bien loin du Grenelle… - et aussi, bien sûr, aux automobilistes qui auront une voie de moins. J’imagine déjà les éditos sanglants dans les journaux si le pauvre salarié qui vient bosser à Paris galère une heure de plus tous les matins pour que le cadre sup fraîchement débarqué de Tokyo ou de Chicago puisse retrouver sa petite famille un peu plus vite…

Une question de méthode

Nous avons travaillé à l’Institut Montaigne sur l’ouverture des professions réglementées, comme les taxis, mais il y en a bien d’autres. Pour rester sur le cas des taxis, et pour parler de méthode, je crois que quand le décideur public réforme, il pourrait se montrer largement plus créatif !

Un pari peu crédible

Il aurait même intérêt à s’inspirer de certaines trouvailles de l’industrie financière, très imaginative, qui gère tous les jours ce genre de problème d’allergie au risque... Le pari que font les pouvoirs publics dans ce cas est le suivant : en accroissant le nombre de voiture, l’habitude d’utiliser les taxis va se développer et tout le monde s’y retrouvera – mais les taxis eux-mêmes en doutent.

Garantir à moyen terme

Cette situation est très semblable à celle d’une société qui fait une OPE sur une autre : il faut convaincre les actionnaires de la cible d’échanger leur papier, et ils peuvent être réticents. Alors justement, l’industrie financière a mis au point un truc génial qui s’appelle le CVG, certificat de valeur garantie. On donne aux actionnaires de la société cible des actions du raider ET un certificat qui leur garantit qu’en aucun cas ils n’auront dans 2 ans ou dans 5 ans par exemple, moins qu’aujourd’hui.

Négociations durables

Il est tout à fait envisageable de donner ce type de garantie aux taxis, plutôt que leur faire des concessions énormes afin d’obtenir leur consentement à une réforme très limitée. Il suffirait de leur proposer de parier qu’un marché plus fluide leur sera bénéfique à eux aussi et s’engager à ce que, si dans 2 ans, ou dans 5 ans, la valeur de la plaque a baissé, la différence leur sera donnée. En somme, on leur garantit la valeur de leur plaque !

Il existe beaucoup de solutions techniques de ce type en matière de politiques publiques, et je trouve un peu dommage que l’on les néglige, qu’on se contente souvent de négociations peu raffinées et qui débouchent sur peu de choses…

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