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30/06/2008

Nicolas Sarkozy et les européens au pouvoir

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

La France prendra ce mardi et pour 6 mois la présidence de l'Union européenne. Mais faut-il vraiment s'en réjouir ? On peut se le demander, compte tenu des circonstances. En effet, la tâche des Français, et celle de Nicolas Sarkozy en particulier, ne sera pas facile dans la mesure où on a déjà connu l'Europe en meilleure forme...

Les points problématiques Deux sujets alourdissent tout particulièrement l'ambiance en ce début de présidence. Le premier problème, bien évidemment n'est autre que ce "non" irlandais au Traité de Lisbonne, qui va contraindre la France à réduire ses ambitions. Deuxième hypothèque : la situation budgétaire de la France. La Commission nous rappelle régulièrement à l'ordre à ce sujet puisque nous ne sommes clairement pas un bon élève de la petite classe européenne. Or, quand on veut mobiliser ses amis, il vaut tout de même mieux de donner l'exemple.

Une présidence "pour rien" ? S’il existe un risque réel de ne pas parvenir à “débloquer l’Europe”, des éléments permettent toutefois de se montrer optimiste. Le tempérament de Nicolas Sarkozy d'abord : c'est un battant qui n'est jamais aussi performant que dans l'adversité et il a inauguré son quinquennat en sortant l'Europe de l'ornière. Il n'a d'ailleurs sûrement pas envie de perdre son image d'Européen militant. Ensuite, la France s'est vraiment préparée à cette échéance. Elle s'est mise en ordre de bataille dès juin 2007, avec une implication très forte de l'exécutif (Jean-Pierre Jouyet en tête) et une coordination efficace au niveau administratif - avec la création d'un secrétariat général de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Enfin, sur un certains dossiers, il y a des marges de manouvre. Ainsi, sur le plan diplomatique, l'administration Bush est en fin de course et les Etats-Unis sont moins présents. Et cette pause représente une opportunité pour l'Union de s'affirmer enfin sur la scène internationale.

Les enjeux pour Nicolas Sarkozy Notre chef d’Etat veut s'imposer comme réformateur sur la scène nationale, mais aussi comme un acteur important sur la scène internationale, ce qui se comprend, puisque Nicolas Sarkozy sait pertinemment que les grands présidents de la République sont ceux qui ont su imposer leur empreinte à l'international, ! Or, son plus grand succès international à ce jour, était justement le traité simplifié, celui-là même qui s'est vu stoppé net par le "non" irlandais. Quant à la question de la forme, n’oublions pas que le “style Sarko” des débuts n'a fait que renforcer la réputation d'arrogance dont pâtissent les Français ds les milieux européens. Je pense que notre président l'a tout à fait compris, et qu’il sait qu'il devra être vigilant sur la méthode. Ceci signifie que la présidence française devra être modeste à la fois dans le style et dans les projets. En somme, il faudra être concret plus que lyrique.

Plus près du peuple européen Rapprocher l'Union de ses citoyens a toujours été l’approche défendue par l'Institut Montaigne. Pour y parvenir, il existe plusieurs moyens : je pense au service civique européen (AMICUS) auquel je crois beaucoup, et dont j'ai déjà largement parlé. Mais on peut aussi imaginer la création du "carton rouge" à la Commission européenne, tout comme le suggère l’une de nos propositions. En clair : si un tiers des parlements nationaux, représentant un tiers de la population de l'Union européenne, estiment que l'une des propositions de la Commission ne respecte pas le principe de subsidiarité, alors la Commission serait obligée de retirer le projet de législation en question. Cela peut sembler technique, mais cela présente quantité d'avantages. Ce principe oblige l'Union à se concentrer sur ses vraies missions et cela permet aux citoyens d'exercer, à travers leurs représentants nationaux un contrôle démocratique sur Bruxelles.

Carton rouge ! Alors comment faire ? Et bien il existe deux possibilités, soit on soumet aux 27 Etats un mini-mini-traité qui introduit ce carton rouge, et là, compte tenu qu'il s'agit de limiter le pouvoir de la Commission, je pense qu'il serait ratifié à coup sûr, ce qui permettrait d'ailleurs au passage de tourner la page sur les deux ratifications ratées de ces trois dernières années. Soit l’on se contente d'édicter cette règle sur un mode non-contraignant, ce qui serait alors plus près du carton jaune. Dans ce dernier cas, nul besoin de ratification, il s’agirait plutôt d’une sorte de gentleman agreement . Dans tous les cas, cette réforme irait à la fois dans le sens demandé par les peuples et serait tout à la fait utile, aussi pourquoi s’en priver ?

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