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31/10/2016

Matteo Renzi devrait être un modèle pour la France

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Matteo Renzi devrait être un modèle pour la France
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Moyen-Orient, Europe, Amérique, Asie,... Dominique Moïsi, conseiller spécial de l'Institut Montaigne, analyse chaque semaine l'actualité internationale pour les Echos.

"Béni soit Benito Mussolini, si seulement il pouvait revenir !" Loin de la place Saint-Marc et de la Venise des touristes, je viens de m'arrêter pour lire l'annonce officielle du référendum du 4 décembre, apposée sur un bâtiment en travaux. Le nostalgique du fascisme qui m'interpelle ainsi n'est pas plus âgé que moi. Il est né après la guerre. Il a besoin d'exprimer sa colère. "A quoi bon ce référendum, tout cela ne sert à rien. Les politiques feraient mieux de s'occuper de choses sérieuses, comme ce bâtiment par exemple : cela fait huit ans qu'il est soi disant en travaux."

Dans un peu plus d'un mois, les Italiens sont appelés à se prononcer sur le projet de réforme institutionnelle que leur soumet le gouvernement Matteo Renzi. Six mois à peine après l'expérience douloureuse qu'en fit David Cameron, est-il bien raisonnable de "consulter" ainsi le peuple ? Les Italiens ne vont-ils pas se comporter comme les Britanniques, et dire "non", par un simple réflexe de mauvaise humeur contre les élites ? Et ce indépendamment bien sûr de la question qui leur est posée ?

L'issue du référendum italien n'est pas seulement importante pour l'Italie. Même s'il a annoncé qu'il ne lierait pas son sort au résultat du vote, Renzi sortirait très affaibli de la victoire du non. Mais au niveau européen l'enjeu du référendum est d'une tout autre nature. C'est, tout simplement, la possibilité de faire des réformes à l'heure des populismes. Un non italien, succédant de si peu à un non britannique, ne "tuerait" pas seulement la formule du référendum, mais encouragerait les réflexes de conservatisme partout en Europe sur le mode : le peuple est en colère, il n'est pas bon de le provoquer.

A quelques mois de l'élection présidentielle, les Français qui sont attachés aux réformes ne peuvent qu'espérer une victoire du oui en Italie, même si aujourd'hui les derniers sondages donnent un léger avantage au non. Mais à cinq semaines des élections, de multiples retournements sont encore possibles. Et Matteo Renzi n'est pas David Cameron. Il se bat avec talent pour une cause en laquelle il croit, celle de la "Réforme" avec un grand R, dont la dimension institutionnelle, soumise à référendum - la Constitution italienne ne lui laisse pas d'autre choix - ne constitue qu'un élément parmi d'autres. Avant cette réforme institutionnelle, il y a eu, en effet, celle du marché du travail, qui a permis - selon les conseillers de Renzi - de créer 600.000 emplois. Il y a eu aussi une réforme de la bureaucratie. Si l'administration ne dit pas formellement "non" à la demande d'un particulier, cette non-réponse est l'équivalent d'un oui. Il y a eu de même une baisse significative des impôts. Enfin, et c'est l'objet du référendum, il fallait s'attaquer à un processus décisionnel faisant de l'Italie une démocratie dysfonctionnelle. Trop de pouvoir donné aux régions signifiait, de facto, déresponsabiliser la décision publique. Par ailleurs l'existence de deux chambres dotées de prérogatives équivalentes ne pouvait conduire qu'à des doubles emplois et donc à un processus décisionnel, lent et inefficace. Moins de parlementaires, plus de centralisation et donc plus de rationalisation et d'efficacité tel est, selon Renzi l'enjeu du référendum.

Etait-il bien raisonnable de décentraliser, comme le fit l'Italie il y a plus de dix ans, pour recentraliser à nouveau aujourd'hui ? A quoi correspond ce Yoyo institutionnel ? Pour Renzi, ce cycle est sans doute coûteux, mais il doit être perçu comme vertueux, comme une réponse incontournable à tout ce qui n'a pas été accompli en Italie, et ce, depuis des décennies.

Si tel est bien le cas, comment interpréter la réaction très négative, de certains réformistes, comme l'ancien Premier ministre Mario Monti, qui "ne peut accepter qu'un changement partiel de la Constitution bénéficie à la croissance économique et sociale de l'Italie" ? Se pourrait-il, qu'humilié personnellement par l'actuel Premier ministre, l'ancien commissaire européen fasse passer son ressentiment avant l'intérêt de l'Italie et celui de l'Europe ?

De fait, s'il est un pays qui devrait suivre attentivement l'issue du référendum Italien, c'est bien le nôtre, la France. Il existe, hélas, chez nous comme un déficit d'attention et d'intérêt à l'égard de l'Italie ! Serions-nous encore victimes d'une forme de complexe de supériorité, toujours plus injustifié avec le temps ? Matteo Renzi, dans son "passage à l'acte" en matière de réformes, constitue un modèle pour les "Princes" qui nous gouvernent et plus encore ceux qui nous gouverneront demain.

En ayant recours à la méthode du référendum, Renzi prend un risque, qui s'est incontestablement renforcé depuis les résultats du 23 juin dernier en Grande-Bretagne. Mais, au-delà du débat sur la méthode, comment ne pas donner raison à Renzi et tort à Mario Monti. L'argumentaire des forces italiennes modérées, partisanes du non ne tient tout simplement pas la route. Ce mélange de trop, trop peu, trop tôt ne résiste pas à l'examen critique et sonne comme l'addition de tous les ressentiments, de tous les conservatismes et de tous les immobilismes. Mais la faiblesse des arguments du camp du non ne suffit pas à garantir la victoire du camp du oui. Si tel avait été le cas, le Brexit ne l'aurait pas emporté en Grande-Bretagne.

De fait, dans une Europe confrontée aux sirènes des populismes, l'enjeu du référendum italien est considérable. Ce qui est en cause, c'est tout simplement la possibilité de la victoire de la raison sur les émotions négatives dans une consultation populaire.

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