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15/09/2009

Loi pénitentiaire : enfin ?

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Loi pénitentiaire : enfin ?

Le projet de loi pénitentiaire est soumis au vote de l’Assemblée nationale. Enfin ! On l’attendait depuis vingt ans. Le Sénat l’avait voté le 9 mars dernier après lui avoir apporté de nombreux amendements parmi lesquels deux ont fait couler beaucoup d’encre.

Le premier rétablissait le principe de l’encellulement individuel que le texte proposé par Rachida Dati avait abandonné en prétextant que les détenus ne souhaitaient pas être seuls dans leur cellule.
Cela est vrai. Néanmoins, l’encellulement individuel n’a pas été préconisé par Tocqueville dès les années 1830 pour améliorer le confort des détenus mais pour éviter qu’ils ne s’endurcissent les uns les autres et ne préparent ensemble les exactions qui pourraient les enrichir à leur sortie.
Depuis 1875, la France a admis le bien-fondé de ce principe sur lequel le gouvernement ne veut revenir, en réalité, que parce qu’il se sait impuissant à le mettre en œuvre : il est plus facile pour un magistrat de décider une incarcération supplémentaire que pour l’administration de construire une cellule de plus !
C’est une erreur qui risque de confirmer la prison dans son rôle, trop bien rempli, d’école de la délinquance. On ne répétera jamais assez que plus d’incarcérations signifie évidemment plus de dépenses, ce qui est regrettable, mais surtout plus d’insécurité ce qui est beaucoup plus grave.
L’instauration d’un numerus clausus réglerait, à bon compte, ce faux problème abordé d’une façon hypocrite.

Le second amendement du Sénat étendait le pouvoir des juges d’application des peines en leur donnant la possibilité d’aménager toutes les peines inférieures à deux ans d’incarcération alors que le texte initial limitait cette possibilité aux peines inférieures ou égales à un an. Le gouvernement entend revenir au texte initial. Il est poussé dans cette direction par un certain nombre d’associations de victimes qui ont mis en place un puissant lobbying sur ce sujet avec l’argument spécieux que tout détenu remis dans la rue, même sous contrôle, peut récidiver. Un syndicat de police, au moins, a appuyé la position de ces associations.
C’est oublier que toute personne incarcérée ressort tôt ou tard et que ce sont celles dont la peine a été aménagée qui récidivent moins que les autres. Faut-il répéter que ce n’est pas en augmentant la durée de l’incarcération qu’on limite le risque de récidive que redoutent, à juste titre, ces associations, mais bien en aménageant la peine.
Jupiter aveugle ceux qu’il veut perdre... Quel dieu de vengeance mal intentionné pousse ces malheureuses associations dans un sens contraire à leur souci légitime et reconnu d’une plus grande sécurité ?
En se souciant de ne pas prendre une mesure qui pourrait être interprétée comme un message de faiblesse par des opposants mal intentionnés ou par de bonnes âmes mal informées, le gouvernement fait fausse route.

L’important est que la loi soit votée même avec ces restrictions. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : chaque année les tribunaux infligent quelques 116 000 peines de prison d’une durée au plus égale à un an, contre environ 7 000 d’une durée comprise entre un et deux ans. En outre, quelques 16 000 prévenus, présumés innocents, sont derrière les barreaux. Même réduit, le champ d’application de la loi reste énorme et peut se révéler fructueux si ce texte fait évoluer la culture du système pénal français.

En effet, comme toujours, encore plus important que le texte lui-même est la volonté de modifier la culture de l’institution. Aujourd’hui cette culture se limite à une bonne gestion de l’enfermement des détenus. Bien gérer la population des personnes prévenues ou condamnées signifie réduire au minimum le nombre des évasions et des violences dans les établissements et, depuis peu, le nombre de suicides.
Cette culture doit devenir une ardente obligation d’œuvrer pour qu’un condamné libéré ne se retrouve plus jamais devant un tribunal.

Le texte proposé, même rétréci, renforce les moyens de lutter contre la récidive : il n’y a pas de temps à perdre pour l’adopter.

Travail en prison - l'Institut Montaigne sur France Inter :
>>Ecoutez la chronique éco du 11/09

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