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12/04/2016

Logements sociaux : comment rendre le système plus équitable ?

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Logements sociaux : comment rendre le système plus équitable ?
 Elena Scappaticci
Auteur
Chargée de mission


Rendue publique le 23 mars dernier, l'enquête conduite par l'équipe du Lab?Urba de l'Université Paris-Est sur commande du Défenseur des droits dénonce un système d'attribution des logements sociaux jugé illisible et ayant perdu de vue l'objectif de mixité sociale ayant motivé sa mise en place.

L’exploitation des premières données issues du Système national d’enregistrement des demandes de logements sociaux (SNE), mis en place en 2015, a en effet révélé que les candidats dits "prioritaires" (candidats repérés par les travailleurs sociaux ou reconnus comme bénéficiaires du droit au logement opposable) mettent aujourd’hui beaucoup plus longtemps que les personnes non prioritaires à se voir attribuer un logement social. Sur la seule agglomération parisienne, les données du SNE révèlent qu’en 2015, il a fallu en moyenne 55 mois à un candidat prioritaire pour obtenir un logement social, contre 42 pour un candidat non prioritaire.

Une situation qui s’explique en partie par les conditions actuelles d’attribution des logements sociaux. L’enquête déplore notamment la grande hétérogénéité, injustifiée et opaque, des pratiques des bailleurs, ainsi que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agents d’attribution qui conseillent et orientent les demandeurs. Un pouvoir qui s’exercerait bien souvent au profit des dossiers les plus solides financièrement, au détriment de l’exigence d’équité qui devrait systématiquement orienter la sélection… Autre facteur justifiant le rallongement des délais d’attente, la forte rigidité du parc social dans les zones les plus tendues du territoire (agglomération parisienne, région PACA, etc.), qui nécessiterait de revoir en profondeur les conditions de maintien dans les lieux actuellement en vigueur.

Comment remédier à cette situation ?

1. En aval, garantir un système d’attribution plus lisible et plus équitable


Le rapport Politique du logement : faire sauter les verrous (juillet 2015) propose de renforcer la transparence des dispositifs d’attribution de logements sociaux, en donnant aux locataires potentiels du parc social les moyens de devenir acteurs de leur parcours résidentiel. De telles initiatives visant à encourager la recherche et la mise en relation directement par le candidat existent déjà en Europe : le système de Choice Based Lettings, mis en place aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, permet notamment aux candidats d’effectuer directement la recherche d’un logement social en consultant les offres de logements publiées en ligne. Le bailleur n’intervient qu’à la toute fin de processus, afin de régulariser le choix effectué par le futur locataire. Une telle solution serait d’autant plus pertinente qu’elle permettrait également de diminuer considérablement la charge de travail administratif pesant actuellement sur les bailleurs sociaux et clarifierait la gouvernance du système d’attribution.

2. En amont, revoir les conditions de maintien dans les lieux pour fluidifier le parc social et mettre fin aux situations inéquitables

Si l’amélioration des conditions d’attribution des logements constitue un premier remède au rallongement des délais d’attente pour les demandes prioritaires, seule une plus grande rotation du parc social permettrait, en libérant l’offre, de réduire significativement le temps d’obtention d’un logement social, en particulier pour les candidats prioritaires. La tendance est en effet depuis 2015 à une forte baisse des taux de mobilité, en particulier dans les zones les plus tendues. Au total, chaque année, seuls 10% des 4,5 millions de logements HLM sont remis en location. Comment justifier cette faible mobilité ?

Les conditions actuelles de maintien dans les lieux constituent un premier facteur de blocage important. Le parc social français s’est en effet constitué autour du "droit au maintien dans les lieux", qui ne fixe pas de durée aux baux des locataires. Ainsi, un locataire dont les ressources dépassent les plafonds d’éligibilité peut continuer à jouir, sans limitation de durée, de son logement social. Même avec un supplément de loyer, il continuera de bénéficier d’un avantage financier par rapport à un loyer dans le parc privé. Cette garantie justifiée par la volonté d’assurer sécurité, stabilité et pérennité des prestations, a pourtant des effets anti-distributifs de plus en plus saillants : elle laisse ainsi perdurer des situations inéquitables où des personnes bénéficient sans limitation de durée d’un logement social tandis que d’autres, plus modestes, en sont exclues.

La Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite Loi Molle), promulguée en 2009, a permis de mieux prendre en compte l’évolution des situations personnelles des locataires du parc social. Elle introduit notamment le "supplément de loyer de solidarité" (SLS), qui concerne les locataires dont les ressources dépassent de plus de 20% les plafonds de ressources, remettant ainsi en partie en cause le droit à un niveau de loyer garanti. Cette loi précise en outre que les locataires qui dépassent de plus de deux fois le plafond de ressources n’ont plus droit au maintien dans les lieux à l’issue d’un délai de quatre ans. Si ces différentes mesures vont dans le bon sens, leur renforcement permettrait de lutter plus efficacement contre la pénurie de logements sociaux qui touche actuellement les zones les plus tendues. Le rapport préconise ainsi d’appliquer le dispositif des suppléments de loyer de solidarité dès le premier euro de dépassement des plafonnements de ressource.

Mais l’application de suppléments de loyers ne suffira pas à elle-seule à pérenniser la fluidification du parc social de HLM : seul un assouplissement réel du "droit au maintien dans les lieux" garantirait une meilleure mobilité entre le parc social et le parc privé. C’est pourquoi le rapport recommande également de généraliser à l’ensemble du parc social la limitation de la durée des baux à six ans, renouvelables sous conditions de ressources et en prenant en compte les évolutions de patrimoine. 

Constats et propositions : Politique du logement : faire sauter les verrous



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