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21/05/2008

Livre Blanc et soldats français

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Ce mercredi, le ministre de la défense Hervé Morin a présenté au Parlement le livre blanc sur la défense. Que propose-t-il en substance ?

Le livre blanc de la mondialisation

Le dernier Livre blanc datait de 1994, c’était donc celui de l'après guerre froide. Depuis, le monde, l’Europe et la France ont continué à changer, et cette nouvelle édition 2008, présentée par le ministre à huis clos devant les Commissions de la défense de l’Assemblée et du Sénat, est avant tout est celle de la mondialisation. Qui dit mondialisation, dit nouvelles vulnérabilités, plus diffuses, tels terrorisme, cybercriminalité, prolifération, pandémie, et conflits asymétriques… Tout un programme auquel il faut se préparer.

Nouvelles cartes des risques

Cette évolution du monde comporte aussi ses tournants politiques, comme par exemple la décision de la France de rejoindre le commandement intégré de l'Otan. Nous avons donc affaire ici à un grand et vaste chantier qui engage la politique de défense et de sécurité de la France pour les 15 prochaines années ! Ce livre blanc numéro 2 tire vraiment les conséquences du nouveau contexte géostratégique né de la chute du Mur de Berlin, sur laquelle on n’avait pas encore beaucoup de recul en 1994, et des attentats du 11 Septembre. Il établit donc de nouvelles priorités parmi lesquelles j’en retiendrai deux. D’abord, l’importance du renseignement, qui est consacrée dans le Livre blanc avec la nomination d'un coordonnateur aux côtés du président de la République. Ensuite, la mise au point d’une réponse "graduée et proportionnelle" face aux cyber-attaques.

Redistribution stratégique

Voilà ce qu’on va faire en plus, mais il y a aussi des révisions à la baisse, évidemment. Par exemple, puisque le risque de tomber nez à nez avec les chars soviétiques s’est évaporé, le "contrat opérationnel" des armées sera réduit… L'armée de terre devait être capable de déployer une force de 50 000 hommes sur un théâtre extérieur, cet objectif est réduit à 30 000 hommes. Il est aussi question d’une meilleure coordination entre sécurité intérieure et sécurité extérieure – ce ne sera pas du luxe en France où les deux services se tirent traditionnellement la bourre. Il y est aussi question d’ajustements en réaction aux changements géopolitiques : l'arc de crise de la Méditerranée à l'océan Indien devient prioritaire, tandis que le dispositif militaire permanent français outre-mer et en Afrique a vocation à être allégé.

Où sont les rafales ?

Tout cela paraît parfaitement logique, mais les députés ont déjà prévenu cet après-midi qu’il y aurait des modifications au texte. Côté bons points décernés au gouvernement, sur le plan de la méthode, les parlementaires se réjouissent d’avoir été consultés et associés au processus de rédaction du Livre blanc, au lieu de voter un texte déjà prêt. En revanche, ce qui coince côté parlement, c’est le choix des programmes d’armement. Beaucoup de parlementaires pensent que l’effort doit porter sur les moyens aériens de déploiement, ou sur les véhicules blindés, et pas principalement sur une sorte de champ de bataille numérisé. Derrière tout ça, il faut bien évidemment comprendre que les industriels du secteur s’inquiètent. Si de fait on ne fabrique pas de deuxième porte-avion, qu’on produit moins de Rafale et moins de frégates, il y aura inévitablement des pertes d’emploi dans ces secteurs – et bien sûr les députés des circonscriptions concernées ont une tendance compréhensible à sonner le tocsin sur le maintien du rang de la France en tant que grande nation militaire…

Mais quid des hommes ?

Ce livre blanc fait la part relativement belle au matériel, en revanche, il manque un peu de fond sur les individus eux-mêmes, et leur rôle, central dans une armée performante. A l’Institut Montaigne, nous proposons donc d’ajouter et même de privilégier dans ce qui se prépare un volet « ressources humaines » très fort. Nos soldats méritent au moins autant d’être bichonnés que nos porte-avions et nos chars d’assaut… Et on pourrait retenir le même principe que pour la fonction publique en général : moins de soldats, mais mieux payés et mieux équipés. Cela suppose, pour des raisons financières aussi bien que pour des raisons d’efficacité, que l’on recentre les métiers militaires sur le cœur de l’activité opérationnelle, en recourant largement au personnel civil et au secteur privé pour les fonctions de soutien.

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