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20/12/2012

L’Institut Montaigne propose de réformer la mise en examen

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L’Institut Montaigne publie une nouvelle étude intitulée Réformer la mise en examen, un impératif pour renforcer l’État de droit. Trois grandes propositions y sont formulées : motiver la décision de mise en examen prise par le juge d’instruction, limiter cette procédure à une durée fixe et réserver la qualification de mise en examen aux cas impliquant des mesures restrictives de liberté.

La mise en examen est une étape essentielle de l’instruction judiciaire. Prononcée par le juge d’instruction lorsqu’il existe des indices « graves ou concordants » rendant vraisemblable qu'une personne ait pu participer à la commission d'une infraction, cette étape entraîne des conséquences procédurales substantielles. Si par certains aspects, ces conséquences peuvent être favorables aux libertés puisque la mise en examen assure l’exercice de certains droits de la défense, elles sont également très restrictives de liberté, notamment lorsque la mise en examen s’accompagne d’une mesure de contrôle judiciaire ou, a fortiori, d’une détention provisoire.

Une procédure trop souvent assimilée à une pré-condamnation

La mise en examen s’apparente souvent aux yeux du public à une pré-condamnation, sans aucune considération pour le principe fondamental de la présomption d’innocence. La médiatisation d’une instruction judiciaire en cours peut entraîner des dommages irréparables sur la personne et la réputation du mis en cause, lequel apparaît coupable a priori sans qu’aucun jugement ait été rendu, à une étape de l’instruction où ses avocats et lui ont à peine pu prendre connaissance du dossier et encore moins formuler les demandes d’actes de nature à écarter sa culpabilité.

Une décision insuffisamment contradictoire, sans appel ni durée limitée

Au-delà de l’effet souvent néfaste sur la réputation du mis en cause, les faiblesses du régime de la mise en examen sont nombreuses : motivation insuffisante des décisions, durée très longue de l’instruction, absence d’appel, etc. Ces faiblesses apparaissent avec encore plus d’acuité lorsque l’on compare la place de cette procédure dans les droits étrangers ainsi que les modalités de son prononcé par le juge.

Trois propositions pour réformer la mise en examen et renforcer l’Etat de droit et la liberté en France

1. Imposer la motivation effective de la décision de mise en examen par le juge d’instruction, renforcer le contrôle de cette décision et permettre une information préalable du mis en cause qui assure l’effectivité d’un débat contradictoire.
La motivation de la décision de placement en examen devrait être fondée avec précision sur les faits de l’espèce et justifier en quoi le placement en examen est indispensable à la poursuite de l’instruction. Par ailleurs, la personne mise en cause devrait bénéficier d’un recours effectif et immédiat contre la décision de placement en examen. L’étude de ce recours devrait être confiée à un collège de magistrats, le contrôle du bien-fondé de la mesure étant lui-même motivé dans la décision prise par cette chambre d’examen.

2. Limiter la mise en examen à une durée fixe et renouvelable uniquement sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention (JLD), et plus généralement limiter la durée des instructions judiciaires, conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.
Aujourd’hui, aussi longtemps que l’instruction judiciaire se poursuit, il n’existe aucune limite à la durée d’une mise en examen. Celle-ci devrait donc être décidée par le juge d’instruction pour une période limitée explicitement précisée dans la décision de placement en examen.
Cette durée devrait être fixe, sans pouvoir excéder une durée raisonnable que l’on peut estimer, pour les instructions les plus complexes, de douze à dix-huit mois. A l’expiration de cette période, à défaut de décision d’un tribunal ayant statué en première instance sur la culpabilité du mis en examen, la mise en examen deviendrait automatiquement caduque.
Si toutefois l’enquête le nécessitait, le JLD pourrait décider la prolongation de la mesure de mise en examen pour une durée fixe ne pouvant excéder six à douze mois supplémentaires. Cette décision se ferait par ordonnance motivée susceptible de recours devant la chambre de l’instruction (devant elle aussi statuer par décision motivée).

3. Réserver la qualification de mise en examen aux cas impliquant des mesures restrictives de liberté.
Le caractère infâmant de la mise en examen devrait être limité aux seuls cas où le mis en cause a dû être soumis à des mesures coercitives et en particulier à un placement en détention. Serait ainsi établi un régime dans lequel le statut de témoin assisté serait le régime de principe des instructions judiciaires, la mise en examen étant réservée aux cas pouvant nécessiter un placement en détention. Des mesures de contrôle judiciaire (comme par exemple le retrait du passeport ou du permis de conduire, les dépôts de caution, l’interdiction de certaines fréquentations, etc.) pourront être imposées au témoin assisté.
La motivation des décisions concernant l’adoption de mesures coercitives est une nouvelle fois un élément essentiel pour le contrôle du bien-fondé de la mesure. Il est probable que cet effort ne soit pas suffisant et il convient de poursuivre le mouvement d’adoption de mesures alternatives à la privation de liberté lors de la mise en examen : contrôle judiciaire adapté, cautionnement, engagements de faire ou de ne pas faire.

- Télécharger l'étude
- Télécharger la synthèse
- Télécharger les propositions opérationnelles

A propos de l’auteur
Kami Haeri est avocat associé au sein du cabinet August & Debouzy. Membre du Conseil de l’Ordre et ancien secrétaire de la Conférence, il est spécialisé en contentieux et en droit pénal des affaires. Il préside également la Commission ouverte "Contentieux des affaires" du Barreau de Paris et est membre du Comité de pédagogie de l’École de Formation du Barreau. Kami Haeri enseigne à l’Université Paris Ouest, à l’Université de Cergy et à l’École de Formation du Barreau.

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