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26/06/2008

Les viticulteurs ivres de colère...

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Pétrole cher, difficultés économiques… Les viticulteurs du Languedoc-Roussillon se font entendre depuis hier, mais sur un mode d’une violence inouïe. La profession semble déchaînée.

Ivres de colère Le bilan de ces exactions est très spectaculaire : dégradation sauvage d'un supermarché, saccage d'un hôtel des impôts et d'agences du Crédit agricole, feux de pneus sur un rond-point, destruction d’un radar automatique et même, même, tentative d’assassinat contre un gendarme - la liste est longue et même effrayante. En fait ce sont de véritables commandos qui ont sévi dans le sud de la France dans la nuit de mercredi à jeudi, dans la foulée de la journée de mobilisation organisée par des viticulteurs du Languedoc-Roussillon. Ces viticulteurs sont confrontés à la baisse des prix du vin, et étaient plus de 5000 à battre le pavé à Montpellier pour réclamer des aides d’urgence du gouvernement. Ensuite, ce rassemblement a très mal tourné...

Les revendications Les viticulteurs réclament un fuel à 40 centimes d'euros, ils veulent également que les négociants leur versent un acompte à la signature du contrat de vente, mais ils demandent aussi un moratoire sur leurs dettes vis-à-vis des banques et de la Mutuelle sociale agricole, une exonération pour 2007 et même 2008, de la taxe foncière sur le non-bâti. Ils demandent, enfin, une meilleure répartition de la marge entre eux, les producteurs, et la grande distribution, puisque selon eux, le commerce accaparerait 60 % de cette marge…

Injustes méthodes Les viticulteurs devraient être reçus lundi par Michel Barnier, ministre de l'Agriculture. D’un côté, c’est compréhensible, mais en même temps, cela procure la fâcheuse impression que le crime paie, qu’il suffit de tout casser pour être écouté voire entendu. Surtout, il faut arrêter de se leurrer – si effectivement, comme le disent les viticulteurs, 98 % des quelques 15 000 exploitations de la région sont en difficulté, voire plombées financièrement, c’est peut-être que l’avenir de ces viticulteurs est ailleurs que dans la viticulture…

Des arguments caducs Dans un pays de libre entreprise et dans un Etat de droit, il n’y a pas de droit imprescriptible à garder le même métier aux frais du contribuable, et encore moins de droit de recevoir des aides en rémunération de la violence physique dont on fait preuve. Ajoutons que le pétrole est cher pour tout le monde et pas seulement pour les viticulteurs. Etant donné que cela risque de durer, il faudra s’adapter, que l’on soit viticulteur ou que l’on exerce une autre profession. Enfin, il faut savoir que Michel Barnier a annoncé il y a quelques semaines seulement un plan quinquennal de modernisation de la filière viticole française. Les viticulteurs ne sont donc pas dans un tel abandon que cela puisse constituer un début de justification à leurs saccages et il est tout simplement inadmissible qu’ils mettent une ville à feu et à sang comme ils l’ont fait.

Vers un nouveau modèle agricole A l’Institut Montaigne, nous avons la conviction qu’un nouveau modèle agricole ambitieux est possible en France. Il faut simplement en finir avec un assistanat aussi humiliant qu’inefficace, et rendre leur fierté aux agriculteurs tout en leur permettant de trouver un modèle économique viable. En réalité, les viticulteurs du Languedoc comme les agriculteurs français en général, sauf dans de rares filières, se sont très mal débrouillés et ont laissé filer la valeur ajoutée en aval, chez les grossistes, les intermédiaires et les distributeurs – et ce n’était pas une fatalité, puisqu’il existe des pays où les agriculteurs contrôlent mieux l’aval, capitalistiquement ou contractuellement.

S’organiser pour mieux lutter Evidemment, à présent, difficile d’inverser la vapeur. Mais quoi qu’il en soit, une démarche contractuelle entre l’amont et l’aval agricoles permettrait une meilleure mutualisation des risques au sein des filières, surtout en cas de périodes difficiles. C’est par conséquent vers ce modèle que doivent tendre les interprofessions en élaborant des contrats-types et en encadrant les pratiques de type «remises et ristournes » qui ne correspondent pas à une vraie contrepartie.

Je ne dis pas que c’est facile, mais j’affirme qu’il s’agit de la seule manière civilisée de redresser la barre, et que les viticulteurs ont comme tout le monde deux possibilités, mieux s’organiser pour ne pas se faire tondre, ou bien changer de métier, mais il n’y a pas de troisième option du type destruction de biens et chantage à la subvention – en tout cas, il ne devrait pas y en avoir dans un Etat de droit.

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