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03/06/2008

Les seniors le Japon et l'avenir

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 Philippe Manière
Auteur
Président-fondateur de Footprint > consultants

Le secrétaire d’Etat à l’emploi, Laurent Wauquiez, a dévoilé ce mardi dans "La Tribune" le plan gouvernemental pour l’emploi des seniors.

Un domaine dans lequel la France a encore bien des progrès à faire…

Des actifs sous employés

S’agissant de l’emploi des seniors, la France fait clairement partie des mauvais élèves de la classe européenne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 38 % seulement des Français âgés de 55 à 64 ans travaillent, tandis que la moyenne au sein de l’Union européenne se situe à 44 %. En Suède, ce chiffre atteint même de 70 %. Nous en sommes par conséquent bien loin !

Un taux d’activité plombé

Véritable problème, le faible taux d’emploi des seniors explique l’essentiel de notre retard en termes de taux global d’activité en France, avec à l’autre bout du spectre une autre faiblesse sur le taux d’emploi des jeunes. En revanche, la France se situe dans la moyenne, voire légèrement au-dessus, pour les 25-50 ans dans l’emploi.

Cumul emploi-retraite

Parmi les annonces faites, il est question de libéraliser le cumul emploi-retraite pour les seniors. Voilà une excellente mesure, que nous recommandons d’ailleurs depuis longtemps à l’Institut Montaigne. En deux mots, ce cumul donne la possibilité aux seniors d'être salariés tout en gardant leurs droits à la retraite, sans plafonnement, ce qui n’est pas possible en l’état actuel du droit.

Petite explication

En effet, aujourd’hui, on ne vous autorise pas à dépasser votre salaire antérieur (ou 1,6 fois le SMIC si ce chiffre est plus favorable) en cumulant retraite et salaire. Si vous ajoutez à cela le fait qu’il est interdit à un salarié de se faire réembaucher dans l’entreprise pour laquelle il travaillait, et ce pendant 6 mois, comment s’étonner qu’à peine 1 % des salariés (soit 140 000 personnes seulement en 2007) continuent de travailler alors qu’ils ont pris leur retraite ?

Rendre l’embauche possible

L’idée, bien sûr, n’est absolument pas d’obliger nos aînés à travailler, mais de leur en donner la possibilité s’ils le souhaitent, comme c’est le cas pour beaucoup d’entre eux en Allemagne, en Suède ou encore au Royaume-Uni…. Ce retour à l’emploi ne sera possible qu’à condition que les entreprises jouent le jeu, autrement dit qu’elles embauchent des seniors plutôt que de s’en débarrasser. Certes, toutes les entreprises ne se comportent pas de la même manière, mais si certaines font des efforts, statistiquement, dans l’ensemble, ça n’est pas glorieux.

Une chance pour l’entreprise

D’ailleurs, le gouvernement prévoit d’agir sur ce point en particulier. Il menace de sanctionner financièrement celles qui ne joueraient pas le jeu via une augmentation des cotisations retraite. Cette idée est naturellement bien intentionnée, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Il ne faudrait pas donner l’idée que les seniors sont un mal nécessaire, un handicap ! La réalité est toute autre : les seniors représentent un pool d’expérience et d’expertise dans lequel on aurait tort de ne pas puiser. Certains vont même jusqu’à penser que le vieillissement de la population lui-même n’est pas une fatalité, que l’on peut même en faire un facteur d’innovation et, partant, de compétitivité pour les économies grisonnantes du Nord.

Une opportunité pour l’économie

A ce propos, nous avons justement consacré il y a quelques temps une étude à l’Institut Montaigne sur la façon dont le Japon fait du vieillissement de sa population une force, une opportunité. Car le pays du Soleil Levant est véritablement le laboratoire mondial du vieillissement. Il vieillit plus vite et depuis plus longtemps que tous les autres pays du monde. Or, depuis une quinzaine d’années, il a fait de cette donnée démographique une dynamique d’innovation et de consommation pour son économie.

Des pôles de compétitivité

Il existe en particulier une mesure très révélatrice de cet état d’esprit nippon, très positif et offensif, que l’on pourrait tout à fait dupliquer en France : la structuration de certains pôles de compétitivité autour des enjeux clefs du vieillissement. Je pense notamment aux sciences du vivant, à la robotique ou encore à l’informatique. Cette mesure présente l’avantage de contribuer à positionner la France sur un créneau porteur. Par ailleurs, elle est favorable à la société dans son ensemble, car bien souvent, les produits pensés pour les seniors trouvent des applications sur d’autres cibles.

Le vieillissement n’est pas une fatalité en soi et il est grand temps que l’on en prenne conscience en France, afin d’en faire un levier de croissance !

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