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15/10/2014

Les réformes (rapides et possibles) du marché de l’emploi, selon Jean Tirole

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Les réformes (rapides et possibles) du marché de l’emploi, selon Jean Tirole
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Le 13 octobre dernier, le gouvernement a salué, à juste titre, l'attribution du Prix Nobel d'économie à Jean Tirole, président de la Toulouse School of Economics. Soulignant la qualité de la recherche dans notre pays ? ce que confirme la présence de sept Français parmi les 25 jeunes économistes les plus prometteurs distingués par le FMI début septembre, l'exécutif a vu dans ce Prix un "pied de nez" au French bashing, un antidote au déclinisme ambiant.

La réaction de Jean Tirole invite à une toute autre analyse. Profitant d'une conférence de presse à l'Ecole d'économie de Toulouse, suite à la remise du Prix Nobel d'économie, celui-ci a en effet appelé à une réforme rapide du marché de l'emploi, "assez catastrophique", en France.

Dans un article publié dans la revue Commentaire(1) en début d’année, l’économiste reprend  les réformes qu’il dessinait dès 2003 avec Olivier Blanchard.

Quelles sont-elles ?


Partant du constat que la France ne brille pas pour ses performances en matière d’emploi (faible taux d’emploi ; chômage élevé surtout chez les moins de 25 ans ; plus de 80 % de recrutements en CDD) ni en matière de bien-être au travail (faible investissement dans le capital humain des salariés en CDD ; fort taux de conflictualité au travail, sentiment d’insécurité professionnelle), Jean Tirole explique comment notre assurance chômage génère des comportements non vertueux : une entreprise qui licencie paie des indemnités de licenciements mais pas le coût de l’assurance-chômage. En revanche, l’entreprise qui conserve le salarié paie des cotisations sociales dont une partie sert à financer les indemnités de chômage : "en résumé, les entreprises qui gardent leurs salariés paient pour celles qui licencient".

D’où l’idée d’instaurer le principe de "licencieur-payeur" : les entreprises qui licencient devraient payer "une taxe de licenciement", affectée à la réduction des charges sociales. Ainsi rendue neutre pour l’ensemble des entreprises, la taxe générerait des meilleures incitations puisque c’est sur les entreprises qui licencient que reposerait le coût de l’assurance-chômage. La taxe serait en outre plus élevée pour les salariés ayant plus de difficultés à retrouver un emploi (critères d’âge et de formation notamment), ce qui aurait comme autre avantage d’inciter l’entreprise à investir dans le capital humain de ses employés afin de réduire la durée de leur chômage en cas de licenciement. En échange, les procédures administratives et judiciaires de licenciement seraient simplifiées, ce qui rendrait le recours aux CDD moins systématique.

Comme dans toute réforme, les effets de transition sont difficiles et l’article ne les mésestime pas. L’aménagement du statut des "anciens CDI" qui resteraient sous l’ancien droit des licenciements pourrait notamment permettre de construire les conditions de l’acceptabilité d’une réforme qu’aucun gouvernement n’a eu le courage d’aborder jusqu’alors.

(1) Tirole Jean "la théorie économique des licenciements", Commentaire, 2014/1, p.65-72

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