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18/06/2013

Les prochaines élections législatives allemandes : quels enjeux ?

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 Alexia de Monterno
Auteur
Directrice adjointe de l'Institut Montaigne

Lors du 150ème anniversaire du SPD à Leipzig le 23 mai dernier, François Hollande a loué les réformes menées par Gerhard Schröder (SPD) entre 2003 et 2005. Ces réformes connues sous l'appellation de "Lois Hartz" ont profondément réformé le fonctionnement du marché du travail allemand, le régime d'assurance chômage, l'encadrement des chômeurs ainsi que les régimes d'assistance. Même si, de retour à Paris, le président français a minimisé l'éloge apporté à l'ancien chancelier, celui-ci est d'autant moins passé inaperçu que Peter Steinbrück, l'actuel candidat du SPD aux prochaines élections législatives n'a, quant à lui, de cesse d'en dénoncer les méfaits : développement des mini-jobs, paupérisation de la population, précarisation des travailleurs'

Inversement, le patronat allemand estime que les Lois Hartz sont à l’origine de 50 % de la croissance économique du pays ces deux dernières années et ont permis aux entreprises de traverser la crise sans "casse" sociale excessive. De fait, en 2011, le taux de chômage était de 7,1 % soit son niveau le plus bas depuis 20 ans. Mais d’après la confédération syndicale Deutscher Gewerkschafstbund (DGB), il y aurait aujourd’hui 1,2 millions de travailleurs pauvres dont 300 000 travailleurs à temps plein.

Les questions sociales sont au cœur de la campagne législative qui s’ouvre outre-Rhin et révèlent les difficultés des partis de gauche à se positionner et à assumer une identité claire. Comment endosser l’héritage de l’"Agenda 2010" de Gerhard Schröder ? Comment se démarquer d’Angela Merkel ? Celle-ci joue assez habilement d’une cote de popularité élevée liée à sa gestion de la crise économique et financière et met l’accent sur des sujets traditionnellement situés à gauche : le travail (création d’un salaire minimum dans les secteurs n’ayant pas de convention collective, alignement du salaire des intérimaires sur celui des salariés en CDI, possibilité de combiner retraite et salaire à temps partiel) ; la famille (droit de chaque enfant à un mode de garde, extension des heures d’ouverture des jardins d’enfants) et même les femmes (quotas dans les conseils d’administration) tout en maintenant la ligne sur le contrôle des finances publiques.

Le SPD qui fait également de la justice sociale la ligne directrice de son programme doit, de ce fait, mettre le cap plus à gauche encore : salaire minimum de 8,50 € par heure négocié au niveau national (revendication en phase avec la DGB), limitation drastique du recours aux mini-jobs, investissements massifs dans les logements sociaux, l’éducation, les infrastructures. En cas de score satisfaisant, le SPD a d’ailleurs indiqué qu’il s’allierait avec les Verts et a rejeté toute hypothèse d’une coalition avec la CDU d’Angela Merkel (comme ce fut le cas entre 2005 et 2009) dont la politique d’austérité est violemment critiquée. Problème : les sociaux-démocrates allemands comme les Verts ont voté avec le parti de la chancelière tous les plans de sauvetage de la zone euro, depuis le début de la crise... ce qui achève de brouiller leur positionnement.

La transition énergétique et la démographie sont également des sujets de préoccupation majeure

Voulue par la Chancelière, plébiscitée par la population, la sortie du nucléaire a placé l’Allemagne devant un "mur" financier s’agissant du développement des énergies renouvelable et de la construction de 4000 km de réseaux. Le patronat réclame une révision de la loi qui garantit aujourd’hui des tarifs d’achats aux producteurs d’énergie renouvelable pendant 20 ans et redoute une augmentation du coût de l’électricité qui viendrait obérer sa rentabilité. La CDU mise sur le développement des nouvelles technologies et sur la réduction massive de la consommation d’électricité (- 50 % d’ici 2050). Néanmoins la CDU souhaite le maintien des dérogations tarifaires accordées aux industries fortement consommatrices d’énergie afin de ne pas obérer leur compétitivité. Le SPD comme les Verts souhaitent, eux, un rééquilibrage du coût entre particuliers et industrie tout en acceptant une augmentation substantielle des prix pour les ménages. La question énergétique réactive d’ailleurs les clivages au sein du SPD pris en tenailles entre ses liens historiques avec les syndicats des industries traditionnelles d’une part, et les tenants d’une transition accélérée d’autre part.

La démographie, enfin. Les derniers résultats du recensement révisant à la baisse la population allemande de 1,5 million de personnes a agi comme un électrochoc et remis en lumière le déclin démographique de la première puissance européenne. Le volet mobilité géographique (également appelé dans les médias "Erasmus de l’alternance") du plan pour l’emploi des jeunes en Europe présenté par Angela Merkel et François Hollande fin mai à Paris constitue une réponse habile à ce défi. Il en faudra d’autres pour un pays qui aura d’ici 2030, 10 millions de retraités supplémentaires : améliorer les taux d’emploi des femmes et des seniors, développer la qualification des emplois, revoir les politiques d’immigration et d’intégration et réformer, de nouveau, le régime des retraites…

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