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23/11/2016

Les Pays-Bas dans l’Union européenne : fondateur mais frondeur

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Les Pays-Bas dans l’Union européenne : fondateur mais frondeur
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Le 6 avril dernier, les Néerlandais ont rejeté par référendum la loi de ratification portant sur l'accord d'association entre l'Union européenne (UE) et l'Ukraine. Signé le 21 mars 2014, cet accord prévoit une coopération renforcée dans les domaines économiques et politiques, l'objectif à terme étant la création d'une zone de libre-échange et l'établissement de normes communes. Toutefois, cet accord ne prévoit pas l'ouverture de négociations sur l'adhésion de l'Ukraine à l'UE.

En 2015, les deux chambres du parlement néerlandais ont ratifié cet accord d’association à une forte majorité, avec 74% des suffrages à la chambre basse et 63% à la chambre haute. Il a ensuite été promulgué par le roi Willem-Alexander le 8 juillet 2015.

En juin 2015, une nouvelle loi a été adoptée par les Pays-Bas permettant la tenue d’un référendum consultatif sur un texte de loi lorsqu’une initiative citoyenne conçue en ce sens est soutenue par au moins 300 000 signatures. Suite à une telle pétition, le conseil électoral néerlandais a annoncé la tenue future d’un référendum sur l’accord d’association avec l’Ukraine, trois organisations eurosceptiques (deux think tanks et un site internet) ayant collecté 470 000 signatures en faveur d’un tel scrutin.

Comme l’explique la Fondation Robert Schuman, les principaux arguments avancés par les soutiens du vote "non" étaient le refus de voir l’Ukraine intégrer à terme l’UE ainsi la crainte que cet accord puisse engendrer un conflit avec la Russie.

Bien que ce référendum ne soit que consultatif et que seuls 32,38 % des Néerlandais y aient participé, la victoire du "non" avec 61,1 % des suffrages incite le gouvernement néerlandais à vouloir amender l’accord d’association. Selon la loi de 2015 sur les référendums consultatifs, le gouvernement doit à présent soit proposer une loi qui annulerait la ratification, ou au contraire, qui la confirmerait (analyse juridique du référendum par le Centre for European Policy Studies). Dans tous les cas, la possibilité d’un second référendum est exclue. Seul le parlement devra se prononcer sur le texte. C’est pourquoi le gouvernement néerlandais cherche maintenant à négocier avec ses partenaires européens l’adoption d’une déclaration contraignante à l’accord d’association, compromis qui lui permettrait de tenir compte du résultat de ce référendum et de sortir de cette impasse politique.

L’euro-pragmatisme néerlandais

De l’aveu même des organisations qui ont souhaité organiser ce scrutin, la question de l’accord de coopération entre l’UE et l’Ukraine n’est qu’un prétexte pour exprimer leur défiance à l’égard du projet européen. En effet, depuis le référendum de 2005 sur le traité établissant une constitution pour l’Europe, auquel les Néerlandais avaient voté "non" à plus de 61 %, l’euroscepticisme semble gagner du terrain dans le pays.

Bien que les Pays-Bas fassent partie des six membres fondateurs de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), l’euroscepticisme a toujours été prégnant dans l’opinion publique et la classe politique du pays. Traditionnellement, la position politique dominante – indépendamment des clivages politiques – semble être une forme d’euro-pragmatisme. La construction européenne n’étant perçue que comme un moyen de préserver les intérêts économiques et commerciaux du pays, et non comme une participation à un destin politique.

La présidence de l’UE assurée par les Pays-Bas au premier semestre 2016 a été révélatrice de cette volonté : les priorités fixées par le gouvernement néerlandais étaient l’approfondissement du marché intérieur, la poursuite des négociations sur le TTIP, l’approfondissement de l’eurozone et l’amélioration de la gouvernance européenne avec un plein respect du principe de subsidiarité (comme l’explique la page du site internet du ministère des affaires étrangères français consacrée à la politique européenne des Pays-Bas).

Concernant la gouvernance européenne, les Pays-Bas souhaitent traditionnellement éviter que le couple  franco-allemand n’impose unilatéralement ces décisions et défend une forme d’équilibre entre "petits" et "grands" États membres. Cette crainte d’être marginalisé explique en partie l’euroscepticisme qui croît dans l’opinion publique néerlandaise depuis le début des années 2000.

Après le Brexit, le Nexit ?

La probabilité d’un Nexit a pris corps ces derniers temps, avec l’épisode du Brexit comme avec la popularité du Parti de la liberté, crédité durant de longs mois de 25 à 35 % des intentions de vote aux prochaines législatives. Notons toutefois deux bémols à cette progression : les récents sondages le créditent de 18% des intentions de vote et le fait d’arriver en tête aux prochaines élections ne leur garantirait pas de pouvoir former un gouvernement, tous les autres partis politiques ayant d’ores et déjà exclu d’y participer.

La sortie programmée du Royaume-Uni de l’UE a néanmoins conforté la stratégie menée par le Parti de la liberté en faveur d’un Nexit. Au lendemain du référendum britannique, Geert Wilders a ainsi annoncé qu’il ferait de cette question le thème principal de sa prochaine campagne électorale. La récente élection du candidat républicain Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d’Amérique semble avoir eu le même effet : dès les résultats connus, il déclarait ainsi sur twitter : "The people are taking their country back, so will we."

Malgré les fortes intentions de vote en faveur du Parti de la liberté, en juin 2016 une courte majorité de 53 % des Néerlandais était toujours opposée à un référendum sur l’appartenance de leur pays à l’UE.

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