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03/07/2015

Les Barbares attaquent… la démocratie !

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Les Barbares attaquent… la démocratie !
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La révolution numérique a bouleversé notre vie quotidienne. Elle transforme celle de nos organisations et jusqu'à l'ensemble de notre modèle de société. La démocratie sur laquelle il repose n'y échappe pas et est aujourd'hui, elle aussi, remise en cause par cette évolution.

Conçue en France comme une relation directe, incarnée par les élus, entre le peuple et l’État puis les collectivités, elle doit désormais composer avec une pluralité de corps intermédiaires. Ceux-ci ne sont plus les anciens corporatismes figés mais des communautés très variées dont le numérique favorise l’émergence et la reconfiguration permanente.

En droit français, le mandat des élus n’est pas impératif. Mais cette liberté d’action, cruciale, s’exerce de plus en plus sous le regard attentif et constant des citoyens. Le numérique, en rendant l’information abondante, disponible pour tous et partout, favorise la transparence. Nous nous sommes habitués à ce qu’il fasse de l’information la norme, et du secret l’exception. Il faut cependant trouver le bon équilibre entre les bénéfices qu’offrent la responsabilisation des citoyens et de la redevabilité des élus, d’un côté, et les risques de critique permanente, voire de paralysie, de la décision publique, de l’autre. On peut craindre, parfois à raison, la tyrannie de la communication qui place chaque action sous le feu de réactions critiques qui peuvent être virulentes.

La réponse ne réside pas dans le repli mais dans la maturité du jugement des citoyens, que les Barbares favorisent en œuvrant chaque jour pour diffuser le nouveau modèle culturel dont ils dépendent.

Une nouvelle relation entre puissance publique et citoyens

L’open data transforme en profondeur la relation entre le citoyen et ceux qui définissent les politiques publiques. Les données ainsi mises à disposition permettent à des personnes compétentes mais extérieures au système politique et administratif d’évaluer les résultats des initiatives engagées Les données peuvent être utilisées par les Barbares ou même par des particuliers pour créer de nouveaux services ouverts à tous (comme les cartes de stations Vélib’). La puissance publique et ses élus n’ont plus le monopole de l’évaluation ou de la conception de l’action publique, la contribution des citoyens est facilitée.

La communication entre élus et citoyens devient également plus directe, plus personnelle et plus réciproque. Les médias sociaux, Twitter en tête, permettent aux élus de s’adresser facilement à leurs électeurs, qui peuvent eux-mêmes répondre ou interpeler leurs représentants. Les frontières entre citoyens et élus, même nationaux, s’estompent, les temporalités se raccourcissent et les échanges se multiplient. Cette communication permet une association plus étroite des citoyens aux décisions publiques, comme l’illustre le budget participatif proposé par la Maire de Paris.

Réinventer les élections par le numérique

Moment hautement symbolique de la vie démocratique, l’élection peut, elle aussi, être modernisée par le numérique. Les Barbares excellent à améliorer l’expérience utilisateur, ils pourraient également réussir à fluidifier un rituel qui implique de s’inscrire un an à l’avance sur des listes, à l’endroit où l’on résidera le jour du vote, pour avoir le droit d’entrer dans l’isoloir. Les Barbares sont en mesure de faire disparaître les frictions qui distinguent l’exercice du devoir de citoyen de l’expérience quotidienne, et donc de réduire l’abstention !

De façon plus profonde encore, les modalités de mobilisation ont été bouleversées par le numérique. Le mouvement "Move on" fondé en 1998 par des entrepreneurs du numérique soutenant Bill Clinton marque la première irruption réussie des Barbares dans le débat démocratique. Une décennie plus tard, la campagne présidentielle de Barack Obama s’est largement appuyée sur les outils du numérique : site internet, e-mails ou SMS ciblés, mais surtout big data pour adapter les messages aux destinataires, création de "segment of one" et A/B testing pour optimiser en permanence les messages adressés aux électeurs. La puissance de la multitude a été mobilisée avec une efficacité redoutable, par exemple "l’online call tool", a permis à des militants démocrates de passer plus d’un million d’appels depuis leurs ordinateurs personnels, avec les outils de communication et d’adaptation du message conçus et affinés grâce au numérique.

L’efficacité des Barbares dans le débat de société ne s’arrête pas aux élections : Allout a été créé pour organiser des mobilisations sur toute la planète en faveur des droits LGBT en utilisant les techniques du big data, des réseaux sociaux et du marketing numérique. Son équipe d’à peine 13 personnes parvient à organiser des mouvements dépassant parfois les 100 000 personnes en Chine, en Russie, au Paraguay, en Europe, en Argentine, et à influencer les législations de ces pays. Avaaz, co-fondé par MoveOn et réunissant plus de 30 millions de membres dans 194 pays, a été un mobilisateur-clef dans la manifestation de septembre 2014 rassemblant 400 000 personnes à New-York au nom du changement climatique.

Les Barbares se sont déjà mis au service de la démocratie ailleurs. Ils peuvent le faire ici, afin de la maintenir vivante et fédératrice.

Vite, faites entrer les Barbares !

Rendez-vous le 9 juillet prochain pour débattre de ces nouveaux enjeux

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