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21/01/2010

Le tarif de soutien au solaire en France : au-delà de la correction des erreurs, une erreur de méthode ?

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Les faits : les motivations générales de la politique de promotion des énergies renouvelables pour la production électrique s’inscrivent dans une dynamique de lutte mondiale contre le réchauffement climatique, de développement européen des énergies renouvelables et de d’incitation au développement d’une filière photovoltaïque française.

Le principe du mécanisme de soutien au solaire français est celui du tarif d’achat garanti. Celui-ci est organisé de la manière suivante : l’investisseur-producteur solaire vend son énergie à un acheteur obligé, généralement EDF, à un montant fixé à l’avance par le gouvernement. Pour l’opérateur obligé, cette charge est indolore, car il répercute l’ensemble des surcoûts de cet achat sur les consommateurs. Quel est donc le problème ?

Le risque économique concernant les tarifs d’achats garantis concerne le montant, la durée et les modalités de calcul des révisions tarifaires à long terme. Fixés à un niveau trop rémunérateur, les tarifs d’achat garantis poussent les acteurs aux surinvestissements. Un tarif d’achat garanti est un mécanisme qui élimine tous les risques économiques pour l’investisseur. Celui-ci ne supporte plus de « risque prix » qui est garanti et plus de « risque volume » de vente qui est donné par la technologie. Cette protection est porteuse d’un risque de coût social infini si son succès est trop important. En période de crise économique, on imagine aisément que ce dispositif rencontre un succès important pour tout acteur souhaitant faire de la diversification de risques. De ce fait, il semble bien que dans un même mouvement, une bulle spéculative solaire, un surcoût social important et durable pour l’ensemble des consommateurs électriques se soient mis en place en France.

En Espagne, pays pionnier de la promotion des énergies renouvelables et du Solaire en particulier, ce risque de « bulle solaire » s’est déjà matérialisé entre mai 2007 (1) et septembre (2) 2008. Il a conduit les autorités publiques espagnoles à une révision de cette grille tarifaire et à un grand coup d’arrêt de la filière. En Allemagne, de plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer le mécanisme de tarif d’achat garanti qui lui aussi est jugé trop rémunérateur. Le développement du solaire français s’appuie quant à lui sur une option technologique dite « d’installation intégrée au bâti » qui, de fait, isole les entreprises françaises de la concurrence des producteurs allemands et espagnols (3) de panneaux solaires. Un chiffre repris par la presse illustre bien la réalité de la constitution d’une « bulle solaire » en France. Selon le Figaro du 14 janvier 2010, les demandes de contrats reçues par EDF seraient passées de 5 000 par mois à 3 000 par jour... Une révision semblait donc s’imposer pour éviter cette « ruée vers le solaire ».

La réforme du tarif de soutien au solaire en 5 points principaux (cf Tableau 1)

Trois corrections concernant le « solaire intégré au bâti » ont été apportées qui sonnent comme des sanctions par leur caractère rétroactif et leur orientation : d’abord, le tarif d’achat solaire est abaissé d’environ 14% pour toutes les demandes n’émanant pas d’habitations, d’établissements d’enseignement et de santé. Ensuite, ces tarifs ne peuvent s’appliquer qu’au bâti existant, freinant ainsi les demandes concernant des ouvrages futurs. Enfin une catégorie tarifaire spéciale dite « intégration au bâti simplifié » a été créée pour les industriels et les agriculteurs avec une réduction de plus de 25% de la rémunération promise…

La quatrième modification introduite par l’arrêté du 14 janvier 2010 concerne les « installations au sol ». Cette dernière modification va à contre-courant des autres ajustements car cette nouvelle rémunération distingue et prend en compte plus précisément les niveaux d’ensoleillement. Dans une logique de renforcement de l’incitation, il est accordé une rémunération plus importante aux zones ayant une durée et une intensité d’exposition moins propice pour garantir un niveau de revenu équivalent malgré des durées d’ensoleillement plus faibles.

La dernière modification porte sur la lisibilité de long terme du mécanisme de soutien. Comme il est souvent de rigueur avec le développement des technologies dans l’enfance, des gains de productivité, des innovations qui réduisent les coûts de fabrications sont espérés dans la marche vers la maturité technologique. Ces gains seront progressivement intégrés après 2012 par une formule dégressive de rémunération.



Quels sont les enjeux de ce type d’ajustement tarifaire ?

Toute politique de soutien aux énergies renouvelables est, par définition, risquée, innovante et coûteuse. Elle crée des gagnants (acteurs industriels concernés directement et indirectement par le développement de cette nouvelle activité, investisseurs exploitants sécurisés par le tarif…) et des perdants (technologies qui ne sont pas soutenues, autres dépenses publiques)… A l’évidence, comme toute politique innovante et coûteuse, le tarif solaire français a besoin de mécanismes d’ajustements efficaces, clairs et généralement acceptés par les acteurs pour que soient corrigés soit les effets d’aubaine d’une politique trop généreuse, soit le manque d’incitation d’une politique trop restrictive.

La correction introduite par l’arrêté tarifaire du 14 janvier 2010 est de nature à faire couler beaucoup d’encre car elle vient assainir une situation où l’emballement depuis novembre 2009 a été très important. Cette correction des tarifs soulève déjà des réactions proportionnelles aux pertes de revenus anticipées par les investisseurs et aux frais déjà consentis pour obtenir des contrats finalement moins rémunérateurs qu’escomptés. Pour autant, l’ajustement a-t-il été trop fort ? Les investisseurs vont-ils être découragés ? La filière solaire française va-t-elle sortir renforcée ou affaiblie par cet ajustement ? Les bons investisseurs auront-ils encore confiance et les spéculateurs (honnis en cette période difficile) seront-ils définitivement éloignés ?

D’un point de vu sociétal, il est trop tôt pour juger définitivement de la pertinence et de l’efficacité de ces modifications, mais il semble toutefois raisonnable de penser que les incitations reçues sont encore fortes et que le solaire devrait connaître dans le futur un développement moins spéculatif.

Enfin, et plus généralement dans une perspective européenne, après les coups d’arrêt espagnol, français et bientôt (?) allemand, n’y a-t-il pas des leçons à tirer, des schémas à repenser afin que le développement de cette technologie soit moins spéculatif et que sa dynamique de développement soit plus équilibrée ? Ainsi de plus en plus de doutes portent sur l’intérêt de promouvoir la filière solaire via un mécanisme de tarif d’achat garanti. En effet, la stratégie des subventions de recherche développement, laissant plusieurs options technologiques ouvertes pour stimuler la recherche de la bonne technologie, semble a priori mieux adaptée à une industrie dans l’enfance telle que la filière solaire.

Lire à ce sujet l'article du Monde (26/01/10) Vers l'éclatement de la bulle verte ?, par Christian Gollier.

(1) Le tarif d’achat espagnol était alors de 44 centimes d’€/kWh
(2) Le tarif d’achat a été réduit à 32 centimes d’€/kWh
(3) Ces derniers ayant développés d’autres choix technologiques non compatible avec la solution française
(4) Après 2012 introduction de tarifs dégressifs en fonction des gains d’efficacité des technologies
(5) Restreint aux bâtiments existants en non futur ou en projet...

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